L'année terrible

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Lévy, 1872 - French poetry - 331 pages
 

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Page 166 - Il assiste, à présent qu'il tient l'arme inconnue, Aux luttes du devoir et qu'il les continue. Le droit n'est pas le droit seulement ici-bas; Les morts sont des vivants mêlés à nos combats, Ayant tantôt le bien, tantôt le mal pour cibles; Parfois on sent passer leurs flèches invisibles. Nous les croyons absents, ils sont présents; on sort De la terre, des jours, des pleurs, mais non du sort C'est un prolongement sublime que la tombe. On y monte étonné d'avoir cru qu'on y tombe.
Page 174 - Temps affreux! ma pensée est, dans ce morne espace Où l'imprévu surgit, où l'inattendu passe, Une plaine livrée à tous les pas errants. Les faits l'un après l'autre arrivent, noirs et grands. J'écris ce livre, jour par jour, sous la dictée De l'heure qui se dresse et fuit épouvantée ; Les semaines de l'An Terrible sont autant D'hydres que l'enfer crée et que le gouffre attend; L'événement s'en va, roulant des yeux de flamme, Après avoir posé sa griffe sur mon âme, Laissant à mon...
Page 251 - Que leur font nos pitiés tardives ? Oh ! quelle ombre '. Que fûmes-nous pour eux avant cette heure sombre ! Avons-nous protégé ces femmes ? Avons-nous Pris ces enfants tremblants et nus sur nos genoux ? L'un sait-il travailler et l'autre sait-il lire ? L'ignorance finit par être le délire ; Les avons-nous instruits, aimés, guidés enfin, Et n'ont-ils pas eu froid ? et n'ont-ils pas eu faim ? C'est pour cela qu'ils ont brûlé vos Tuileries.
Page 285 - Caïn! ô frères! Vieille querelle humaine! échafauds! lois agraires! Batailles! ô drapeaux, ô linceuls ! noirs lambeaux ! Ouverture hâtive et sombre des tombeaux! Dieu puissant! quand la mort sera-t-elle tuée? O sainte paix ! La guerre est la prostituée; Elle est la concubine infâme du hasard. Attila sans génie et Tamerlan sans art Sont ses amants ; elle a pour eux des préférences ; Elle traîne au charnier toutes nos espérances, Égorge nos printemps, foule aux pieds nos souhaits, Et...
Page 246 - Sur une barricade, au milieu des pavés Souillés d'un sang coupable et d'un sang pur lavés, Un enfant de douze ans est pris avec des hommes - Es-tu de ceux-là, toi ! - L'enfant dit : Nous en sommes. - C'est bon, dit l'officier, on va te fusiller. Attends ton tour.
Page 120 - ... foule défile en ordre dans la rue ; Je la suis, entraîné par ce grand bruit vivant Que font les pas humains quand ils vont en avant. Ce sont des citoyens partant pour la bataille. Purs soldats ! Dans les rangs, plus petit par la taille, Mais égal par le cœur, l'enfant avec fierté Tient par la main son père, et la femme à côté Marche avec le fusil du mari sur l'épaule. C'est la tradition des femmes de la Gaule D'aider l'homme à porter l'armure, et d'être là, Soit qu'on nargue César...
Page 164 - LE tambour bat aux champs et le drapeau s'incline. De la Bastille au pied de la morne colline Où les siècles passés près du siècle vivant Dorment sous les cyprès peu troublés par le vent, Le peuple a l'arme au bras ; le peuple est triste ; il pense; Et ses grands bataillons font la haie en silence. Le fils mort et le père aspirant au tombeau Passent, l'un hier encor vaillant, robuste et beau, L'autre vieux et cachant les pleurs de son visage ; Et chaque légion les salue au passage.
Page 104 - J'ai payé quinze francs quatre œufs frais, non pour moi, Mais pour mon petit George et ma petite Jeanne. Nous mangeons du cheval, du rat, de Tours, de l'âne. Paris est si bien pris, cerné, muré, noué, Gardé, que notre ventre est l'arche de Noé...
Page 93 - Ah ! je voudrais Je voudrais n'être pas Français pour pouvoir dire Que je te choisis, France, et que, dans ton martyre, Je te proclame, toi que ronge le vautour, Ma patrie et ma gloire et mon unique amour!

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