Les propos d'Alain, Volumes 1-2

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Éditions de la Nouvelle revue française, 1920
 

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Popular passages

Page 17 - J'ai toujours eu un sentiment très vif contre les tyrans, et une passion égalitaire. Je montrai bientôt avec cela, comme tous les bons élèves, une grande dextérité de rhéteur, et une aptitude trop visible à comprendre n'importe quoi et à prouver n'importe quoi. Encore maintenant je ne lis guère un auteur vigoureux sans être avec lui. Ainsi faute de racines, j'aurais bien pu m'envoler tout comme un autre, et me poser au choix sur quelque doctrine estimée. Mais l'instinct m'a tenu ferme...
Page 270 - ... international. Le radicalisme se développe dans un autre plan ; il considère seulement l'origine et la légitimité des puissances ; il va jusqu'aux racines comme son nom le dit ; il découvre sans ménagements ce que tous les théoriciens de politique ont pressenti ou deviné, ce qu'un Spinoza, ce qu'un Rousseau avait clairement vu, c'est que tout pouvoir vient du peuple, et que tout magistrat, s'il n'est usurpateur, représente le peuple, ^exerce ses pouvoirs par délégation, et doit des...
Page 270 - ou sur les habitations à bon marché, traduisent ou traduiront aussi des nécessités, et des solutions de bon sens. Aussi je crois que les querelles des Partis sont plus académiques que réelles. On peut le voir dans les discussions législatives. Chacun parle au nom de la raison commune, et non pas au nom d'un parti nombreux. De Mun et Jaurès s'entendent plus souvent qu'on ne croit. Bref, dans l'ordre législatif, je ne vois pas que la majorité fasse sentir sa pression ; c'est plutôt l'unanimité,...
Page 13 - L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux, comme l'âne ? » Et ne vous trompez pas au sourire ; c'est le sourire de l'athlète qui soulève l'haltère.
Page 223 - ... consoler. Car la tristesse est comme un poison; on peut l'aimer, mais non s'en trouver bien; et c'est toujours le plus profond sentiment qui a raison à la fin. Chacun cherche à vivre, et non à mourir; et cherche ceux qui vivent, j'entends ceux qui se disent contents, qui se montrent contents. Quelle chose merveilleuse serait la société des hommes, si chacun mettait de son bois au feu, au lieu de pleurnicher sur des cendres! Remarquez que ces règles furent celles de la société polie; et...
Page 192 - Ce mois de Juin donne les plus belles fêtes. J'y fus convié il ya quelques jours par de précieux amis, qui se sont retirés à la campagne. C'est bien Prairial ; l'herbe est drue et verte ; les bois débordent sur la route ; tous les verts s'étalent et respirent au soleil, chacun avec sa nuance propre, et sa transparence, car la feuille est tendre encore. Des coquelicots éclatent ici et là, dans les blés d'un vert gris, et mieux encore dans les sombres fourrages. Des reflets bleus adoucissent...
Page 3 - Prenant les objets premier venus, les choses les plus humbles, les choses quotidiennes, le blé qui lève, le vol d'une mouette, l'étoile des vents, les giboulées d'avril, Alain éveille nos esprits, les amène devant les faits, les excite à percevoir, à penser... Il ne veut que nous maintenir en éveil devant le spectacle du monde, nous mettre en face de nous-mêmes.
Page 270 - Et puis la vie publique occupe l'homme et le détourne de cette oisiveté de complaisance, dans laquelle il n'est jamais naturel, quelque bon vouloir qu'il y mette. C'est pourquoi il ya toujours à craindre pour un ménage trop isolé et qui se nourrit d'amour seulement. Ce sont des barques trop légères, trop mobiles au flot, sans lest. Et la sagesse par réflexion n'y peut pas grand'chose. C'est l'institution qui sauve le sentiment.
Page 270 - ... toujours làhaut autour du pouvoir ; et que, à vouloir adorer. on risque trop. Servir, cela est beau. Servir en aveugle, ce n'est plus beau, car les forces de corruption agissent sans relâche, et l'on s'en fait le complice par le consentement d'esprit. L'intrigue pousse sans cesse vers le haut un bon nombre d'hommes sans probité ; c'est aussi nécessaire qu'une loi de physique ; ainsi, dès que l'on se laisse gouverner, on est mal gouverné. Il faut donc un effort perpétuel de discussion...
Page 77 - ... mille ans. Successivement, selon les saisons, dans un ordre immuable, à des époques fixes, apparaissent la corde à sauter, la toupie, les billes, la marelle. Personne n'en parle ; on ne délibère point ; on ne décide point. La chose se fait toute seule ; nul n'en pourrait donner la raison ; nul ne la demande ; les migrations d'oiseaux doivent se faire ainsi. Pendant que l'adolescent oublie les traditions et entre dans la vie humaine, qui est invention et changement, les petits apprennent...

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