M. Anatole France et la pensée contemporaine: étude décorée de douze compositions dont huit portraits du maître écrivain dessinées

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E. Pelletan, 1909 - 96 pages
 

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Page 62 - Les patries ! Gardons, respectons, soutenons ces organisations nationales, qui sont pour nous, en l'état actuel de l'humanité, les formes nécessaires de la vie sociale. Songeons que la désagrégation des peuples de liberté, la déchéance des nations intellectuelles amèneraient bientôt un régime d'autocratie barbare sur l'Europe latine, loin de préparer l'union des peuples libérés. Les patries doivent entrer non pas mortes, mais vivantes, dans la fédération universelle.
Page 70 - L'Ironie et la Pitié sont deux bonnes conseillères; l'une, en souriant, nous rend la vie aimable; l'autre, qui pleure, nous la rend sacrée. L'Ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour, ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sots, que nous pouvions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr.
Page 40 - Le mal est nécessaire. S'il n'existait pas, le bien n'existerait pas non plus. Le mal est l'unique raison d'être du bien. Que serait le courage loin du péril et la pitié sans la douleur? Que deviendraient le dévouement et le sacrifice au milieu du bonheur universel ? Peut-on concevoir la vertu sans le vice, l'amour sans la haine, la beauté sans la laideur? C'est grâce au mal et à la souffrance que la terre peut être habitée et que la vie vaut la peine d'être vécue. Aussi ne faut-il pas...
Page 75 - Mais toute une ville, toute une nation résident en quelques personnes qui pensent avec plus de force et de justesse que les autres. Le reste ne compte pas. Ce qu'on appelle le génie d'une race ne parvient à sa conscience que dans d'imperceptibles minorités. Ils sont rares en tout lieu les esprits assez libres pour s'affranchir des terreurs vulgaires et découvrir euxmêmes la vérité voilée.
Page 64 - Que voulez-vous ? c'est M. Homais qui a raison. Sans M. Homais, nous serions tous brûlés vifs. Mais, je le répète, quand on s'est donné bien du mal pour trouver la vérité, il en coûte d'avouer que ce sont les frivoles, ceux qui sont bien résolus à ne lire jamais saint Augustin ou saint Thomas d'Aquin, qui sont les vrais sages.
Page 19 - Pour ma part, s'il me fallait choisir entre la beauté et la vérité, je n'hésiterais pas non plus : c'est la beauté que je garderais, certain qu'elle porte en elle une vérité plus haute et plus profonde que la vérité même.
Page 55 - Pyrot fût coupable et qu'on croit ce qu'on désire, et parce qu'enfin la faculté de douter est rare parmi les hommes; un très petit nombre d'esprits en portent en eux les germes, qui ne se développent pas sans culture. Elle est singulière, exquise, philosophique, immorale, transcendante, monstrueuse, pleine de malignité, dommageable aux personnes et aux biens, contraire à la police des Etats et à la prospérité des empires, funeste à l'humanité, destructive des dieux, en horreur au ciel...
Page 52 - Il est bon de promener la tête-de-loup et le balai un peu à l'aveuglette dans tous ces coins obscurs. Il est bon même de donner ça et là quelque petit coup de pioche dans les murs de la cave et du jardin. Cela fait peur à la vermine et prépare les ruines nécessaires.
Page 63 - Non, monsieur, tout n'est point perdu quand on met le peuple en état de s'apercevoir qu'il a un esprit. Tout est perdu au contraire quand on le traite comme une troupe de taureaux; car, tôt ou tard, ils vous frappent de leurs cornes. Croyez-vous que le peuple ait lu et raisonné dans les guerres civiles de la Rose rouge et de la Rose blanche en Angleterre, dans celle qui fit périr Charles I" sur un échafaud, dans les horreurs des Armagnacs et des Bourguignons, dans celles mêmes de la .Ligue?
Page 35 - Le mal moral et le mal physique, sans cesse combattus, partageront sans cessë avec le bonheur et la joie l'empire de la terre, comme les nuits y succéderont aux jours. Le mal est nécessaire. Il a comme le bien sa source profonde dans la nature et l'un ne saurait être tari sans l'autre. Nous ne sommes heureux que parce que nous sommes malheureux. La souffrance est soeur...

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