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paisible et régulier des universités sur la base des statuts de 1804; mais elles reçurent brusquement le contre-coup des événements dont l'Europe occidentale devint le théâtre, et les statuts passèrent bientôt en grande partie à l'état de lettre morte.

L'année 1819 avait été une période difficile pour les universités allemandes. A la suite des discussions qui avaient eu lieu au parlement de Francfort au mois de septembre de la même année, les gouvernements allemands avaient porté des regards sévères sur les universités soupçonnées de propager des idées subversives. Le joug rigoureux de commissaires spéciaux leur fut imposé; leur juridiction sur les étudiants fut en grande partie abolie, les conseils furent pourvus de procureurs ayant le droit de protester contre leurs décisions. Toutes ces mesures furent appliquées aux universités russes, qui furent dépouillées peu à peu de toutes leurs prérogatives. En 1821, furent révoqués tous les fonctionnaires de l'université de Saint-Pétersbourg : le recteur Balugjanski, les professeurs Kunizyn, Raupach, Hermann, Galitsch, Plissov, Arssenjev, Demange, Charmois. Des faits analogues se répétèrent à l'université de Kazan; à celle de Kharkov, le professeur Schade fut destitué et expulsé du territoire russe; dans toutes les universités fut établie une rigoureuse surveillance, aussi bien pour les professeurs que pour les étu

diants. On nomma, outre les recteurs, pour les universités de Saint-Pétersbourg et de Kazan, un directeur spécial, chargé de l'administration de l'université. Les professeurs étrangers rentrèrent presque tous dans leur patrie ou donnèrent leur démission. Il était difficile de les remplacer; contrairement aux statuts, les chaires devenues vacantes furent occupées par des professeurs incapables ou peu préparés et ne possédant aucun des grades savants exigés, ou plusieurs chaires furent réunies entre les mains d'un seul professeur au détriment de l'enseignement et de la science. Il va sans dire que la décadence des universités devait entraîner celle des écoles moyennes et inférieures qui leur étaient subordonnées.

Toutes ces mesures devaient nécessairement appeler l'attention de l'empereur Nicolas; ce fut, en effet, des le début de son règne, le 14 mai 1826, que fut nommé un comité spécial pour l'organisation des écoles. Les résultats des travaux du comité furent d'abord les statuts des gymnases, des écoles de cercles et de paroisses, en date du 8 décembre 1828, et plus tard les statuts des universités, qui furent confirmés le 26 juillet 1835 1.

1. Le comité nommé en 1835 pour l'organisation des écoles était présidé par le ministre de l'instruction publique Ouwarov, et se composait des membres suivants : le conseiller privé Michel Speranski, le secrétaire d'État Bludov', le contre-amiral Krusenstein; les conseillers d'État André Storch et comte Wiel

En outre on avait ouvert en 1828 près de l'Université de Dorpat, sous la direction de l'académicien Parrot, un Institut spécial pour la formation des maîtres. Cet institut n'eut que dix ans d'existence.

Les nouveaux statuts des Universités, des gymnases et des écoles apportèrent une réforme radicale dans l'ensemble du système d'enseignement. Les écoles moyennes, qui avaient atteint un développement considérable, ainsi que les écoles inférieures, furent enlevées à la direction des universités.

La direction des écoles, en raison du développement qu'elles avaient atteint depuis le nouveau statut, avait été une charge très-onéreuse pour les universités et avait détourné les professeurs de leurs travaux scientifiques. Cette mesure leur fut donc en réalité avantageuse. De nouveaux règlements furent établis concernant leur organisation intérieure. Tout en perdant la direction de la police, de la justice et de l'administration financière, le conseil conserva toute son autorité au point de vue de l'enseignement, de l'élection du recteur et de la nomination aux chaires vacantes.

Le nombre des étudiants était devenu considé

horski; le conseiller privé Grégoire Willamov ; les comtes Alexandre et Serge Strogonov; l'aide de camp Perovski et le comte Nicolas Protassov. Le secrétaire était le prince Schirinski-Schischmatov.

rable; cependant ils avaient été attirés vers les universités, moins par la passion de l'étude où le désir de se procurer des connaissances solides, que par la perspective purement matérielle du rang qu'ils atteindraient au moyen des grades et des titres académiques. A quelques exceptions près, ils lisaient peu, ne travaillaient guère en particulier et se bornaient à apprendre par cœur les leçons orales des professeurs. Les épreuves consistaient seulement en interrogations sur les matières des

cours.

Les statuts de 1835 avaient mis la régence sur le même rang que le conseil, mais en modifiant ses attributions. Comme précédemment, elle se composait du recteur, des doyens et du syndic. Ce dernier s'occupait spécialement des affaires d'économie, de police et de juridiction, sans avoir de rapports directs avec le conseil, dont il ne recevait aucun compte rendu ; il ne connaissait pas le budget de l'université et n'avait par conséquent aucune notion précise de l'étendue de ses ressources matérielles ni de leur emploi régulier.

En ce qui concerne la juridiction des universités, toutes les prérogatives que leur avaient accordées les statuts antérieurs furent peu à peu supprimées. La surveillance disciplinaire fut elle-même enlevée à l'université et transférée à un inspecteur, choisi parmi les fonctionnaires militaires et civils, et sou

inise directement au curateur de l'arrondissement scolaire. Les rapports de l'inspecteur avec les étudiants étaient d'une nature purement patriarcale, c'est-à-dire ne se fondaient que sur la bienveillance personnelle des magistrats qui demandaient compte aux étudiants de leurs actes, aussi bien dans l'intérieur des bâtiments de l'Université qu'au-dehors. Quant au curateur, il était obligé de s'occuper à chaque instant de tous les détails de la vie des étudiants; car il était responsable de celles de leurs contraventions qui pouvaient passer aux yeux de l'autorité supérieure pour une preuve de défaut de surveillance.

Des mesures plus sévères vinrent plus tard restreindre encore l'indépendance des universités.

En 1846, quelques-unes, notamment celles de Kharkov et de Kazan, furent placées dans le ressort militaire du gouverneur général; en 1849, à la suite des troubles qui avaient éclaté dans l'Europe occidentale, les articles les plus importants des statuts furent abrogés. Le conseil perdit le droit de nomination du recteur, le nombre des étudiants fut limité à 300; les leçons durent être faites d'après des programmes déterminés, et l'envoi de jeunes gens à l'étranger pour se préparer aux fonctions de professeur fut entièrement suspendu'.

1. Cet aperçu historique sur l'organisation de l'enseignement supérieur en Russie est extrait et traduit de Woldemar (Beiträge

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