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intelligent et libre; que la liberté étant de son essence est inaliénable; qu'elle appartient à tous les hommes; que les nations sont souveraines; que nul ne peut leur donner des lois, encore moins leur imposer des législateurs, et encore bien moins un législateur héréditaire sans leur consentement; qu'elles ont le droit imprescriptible de révoquer leur mandataire, commis, préposé, administrateur, roi, quelque titre et autorité qu'elles lui aient délégués.

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Que réciproquement celui-ci peut renoncér au mandat ou abdiquer les fonctions à lui déléguées ; enfin « qu'un peuple a toujours le droit de réfor >>mer et de changer sa constitution; qu'une généra»tion ne peut assujétir à ses lois les générations » futures » *.

En appliquant spécialement à notre société ce qui me paraît avoir eu lieu pour toutes, vous voyez que, sous la réserve expresse ou tacite, mais essentielle, nécessaire et perpétuelle, d'améliorer, de changer, même d'abroger le contrat extraordinaire dont j'ai parlé, comme aussi de révoquer, à volonté, le roi et la dynastie qu'ils ont investis, nos ancêtres stipulèrent, promirent et contractèrent, non-seulement pour eux, mais aussi pour leurs héritiers et ayant-cause; je veux dire pour eux, pour nous et même encore pour nos successeurs.

Que, de leur côté, par le même contrat, et tant sous la même réserve de le changer,que sous celle d'abdiquer et de renoncer aussi à volonté, les ancêtres de l'ex-roi,

* Contrat Social, et Constitution de 1793, art. 28 de la déclaration des droits, transcrite tom. 2 des Constitutions, etc., par Lanjuinais.

en acceptant la couronne et les droits y attachés, comme aussi en promettant de remplir le devoir qu'elle impose, stipulèrent, promirent et contractèrent aussi, tant pour eux que pour leur postérité, et par conséquent pour le duc de Bordeaux. *

D'où il résulte que la clause ou stipulation de révocabilité, cette clause résolutoire, conséquence nécessaire de l'imprescriptibilité et de l'inaliénabilité des droits naturels de l'homme fait partie intégranté, essentielle et indispensable du pacte ou contrat originaire précité, soit qu'on l'appelle mandat, déléga

* Nous sommes d'autant moins exposés au danger d'élire un nouveau roi dans le cas où la faculté d'abdiquer serait exercée par tous les membres de la famille royale, qu'au lieu d'un scul prétendant à la couronne il y en a deux de cette seule famille, dont le plus éloigné, qui, par cela même n'est appelé qu'éventuellement, a montré que ce fardeau ne l'épouvantait pas, puisque, avant qu'il fût disponible, il a offert, en son nom et en celui de ses enfans, de s'en charger à juste prix, à bon marché et pour la bagatelle annuelle de 18 millions, non compris la jouissance de magnifiques palais et de vastes domaines, marché en effet très-bon pour lui et pour sa famille; marché enfin sur lequel il lui serait d'autant plus facile de faire une remise, et de consentir un rabais au moins égal au produit de ces domaines, que sa fortune patrimoniale qu'il a su conserver (Gaz. de Fr., dú 8 nov. 1831, rubrique des apanages en général, et en particulier de l'apanage d'Orléans), s'élève, dit-on, à une douzaine de millions, non pas seulement de capital, mais de revenu, en y comprenant ce qui a été légué par le duc de Bourbon à ces si bonnes gens, qui ont eu assez bon vent pour que ce prince qui, après avoir fait son testament, se disposait à quitter la France, voulût quitter la vie même, non par l'épée que le graud Condé son aïeul a illustrée, mais (qui le croirait si le fait n'était attesté par des gens si bons, si désintéressés, et surtout si véridiques)? par une espèce de potence, et ce brusquement, et sans laisser aucun codicile, quoique ce soit sitót fait. (Gaz. de France du 2 août 1831.) Cette affaire apprend d'horribles choses. Cruelle vanité! et toi, despo tique amour de l'or, où guidez-vous vos dangereux esclaves ?

tion de pouvoirs, dépôt, louage, etc., et de quelque façon qu'il ait été formé; et que, par conséquent, elle est à jamais inséparable de celui récognitif et écrit de 1814.

Maintenant voyons par qui peut être exercé pour nous et en notre nom, ce droit indéfini, illimité, (sauf la restriction exprimée ci-après) essentiellement et perpétuellement facultatif de réviser, ratifier, améliorer, changer, abroger ou révoquer.

Est-ce seulement par quelques-uns des députés ou pairs de France actuels?

Il me semble, d'avance, vous entendre répondre : Non! non, certes! puisque, au contraire, la conséquence naturelle et nécessaire du mandat à eux donné, tant par nous tous qu'en notre nom, était la confirmation et l'exécution du pacte ou contrat précité. D'ailleurs il serait déraisonnable de supposer seulement que quelques-uns d'eux eussent plus de droits sur nous tous, que nos pères n'en eurent et que nous n'en pouvons avoir sur aucun de nos enfans.

Je me garderai bien d'augmenter votre impatience en vous faisant la même question relativement à nos électeurs actuels; car le mandataire ne peut avoir plus de droits que son mandant, le commis que ses commettans; enfin, nul ne peut transmettre plus de droits qu'il n'en a lui-même, et c'est ce que des gens que l'on croit pouvoir dédaigner, mépriser, faire taire, mais que l'on devrait, au contraire, écouter, consulter, surtout dans les circonstances dont il s'agit, expriment très-bien, selon moi, en disant que la plus belle fille ne peut donner que ce qu'elle a. Ainsi, les électeurs, ne pouvant exercer que conjointement avec

nous le pouvoir constituant, n'ont pu, seuls, sans nous tous, et surtout malgré notre volonté formellement et expressément exprimée, le déléguer et le transmettre à ceux qu'à tort on appelle nos députés, ni à des pairs.

Si donc je vous demandais qui peut réviser, qui a, et enfin qui peut exercer le pouvoir constituant, vous répondriez nécessairement : « nous et nos succes>>seurs! nous tous sans aucune exception! c'est-à» dire non-seulement les députés, les pairs de France, >> les électeurs, mais tous les citoyens Français pré» sens ou futurs, ou du moins la majorité, ou ses >> représentans expressément nommés à cet effet; » et ce n'est qu'après la manifestation régulière de »notre volonté que notre roi, ce, mandataire gé» néral, ce délégué, ce commis de la nation, ce ser» viteur, bref cet homme de tout le peuple, est tenu » d'obéir, de cesser les augustes fonctions dont nous >> l'avons chargé, enfin d'abandonner le poste émi>>nent que nous lui avons confié. » Et certes cette réponse serait juste. Ainsi, comme l'a dit un ministre*

*M. de Martignac a prononcé à la chambre des "députés » un discours où se trouvent ces paroles, qui ont produit une grande sensation : « Pour nous, ministres passagers d'une mo»narchie permanente........ » Opinion que M. Casimir Périer, ministre de l'intérieur et président du conseil, partage', et qu'il a même émise avec une énergie particulière en disant ; « Le roi est un, » être qui ne périt jamais. » ( Quotid. du 17 oct. 1831.)

C'est-à-dire que la monarchie n'est exposée ni aux caprices ni aux machinations, des ambitieux, ni aux perfides hypocrisies des comédiens, des tragédiens et des histrions aux trétaux teins de sang.

Mais, quoique permanente, elle doit s'évanouir avec la volonté qui l'a établie ; et, loin d'être encore légitime, elle n'est plus qu'une

qui a su exciter nos regrets, notre monarchie est permanente: partant, nul individu, prince, ministre ou autre, nulle chambre législative, enfin nulle fraction du corps social, quelle qu'elle soit, pourvu que, n'étant pas duement autorisée par l'autre, elle n'excède pas la moitié de ce même corps, ne peut, sans compromettre nos intérêts, nos droits, en un mot, sans enfreindre grièvement ses devoirs, contester au duc de Bordeaux la dignité de roi.

Sans cela, il n'y aurait pas eu primitivement, et à présent il n'y aurait pas encore d'engagement réciproque. Nos ancêtres, en fondant une monarchie héréditaire et nous-mêmes, en l'affermissant sur de nouvelles bases en 1814, nous n'eussions pris que d'insuffisantes précautions; et la liberté, la paix, la

tyrannie, un despotisme, une usurpation, un vrai crime, si elke entreprend de se maintenir malgré le vœu du peuple manifesté soit individuellement et directement, soit par représentans légitimes -97Dira-t-on que, dans ce cas, c'est la majorité qui exerce la ty*rannie? D'accord: Mais celle-ci est raisonnable, légitime et car les hommes conforme à l'essence du contrat d'association : étant égaux (Contr. Soc., liv. 3, chap. 16), s'il n'y a pas une parfaite unanimité dans les délibérations qu'ils prennent entr'eux, et auxquelles tous sans exception doivent participer, deux hom mes doivent l'emporter sur un, trois sur deux, encore plus sur un enfin, à défaut d'unanimité, c'est la majorité qui fait la loi et la minorité n'a d'autre droit que de convertir en mobilier, en, Hor, ses richesses immobilières, de se choisir une autre patrie, et d'établir un autre gouvernement conforme à ses besoins particuliers et à sa volonté.

On voit quelle absurdité il y aurait à prétendre que notre patrie,' composée d'environ 32 millions d'individus, fût soumise aux caprices d'environ 200 mille électeurs collectivement, ou même de toute autre minorité.

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