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pierre où s'asseyait le pâtre, où broutaient les chèvres, à laquelle le voyageur ne prenait pas garde, MichelAnge la façonne et la taille, le ciseau en fait peu à peu sortir une forme divine; elle s'anime, elle rayonne, on la met dans un sanctuaire, et les pèlerins viendront déposer leur bâton et prier devant elle. Voici des récits. fabuleux qui ont circulé durant toute l'antiquité, et auxquels les enfants mêmes finissaient par ne plus croire; voici des légendes pieusement contées dans les cloîtres, aimées du peuple, versifiées sans trop de respect par les trouvères de Normandie. Les grands et les lettrés ne font plus guère qu'en sourire. Mais il y a en Italie un homme venu au moment qu'il fallait, dont l'âme a été de bonne heure façonnée par l'étude, échauffée par la tendresse et par la douleur; car Dieu n'a pas ménagé le feu dans l'encensoir. Cet homme a l'inspiration depuis l'âge de neuf ans, son cœur est tourmenté d'une passion qui veut quelque chose de grand, et que rien de médiocre ne peut contenter. Il a l'impatience de savoir son zèle n'a reculé ni devant les voyages lointains, ni devant les langues ignorées et la rareté des livres, ni devant l'inexorable ennui qui est au fond des sciences comme des plaisirs de la terre. Enfin, il a la foi, qui ne lui permet pas de résister à une vocation si manifeste. Il semble, au surplus, que la Providence ait pris ses précautions avec lui, qu'elle l'ait poussé hors de sa patrie, qu'elle lui en ait fermé les portes, afin qu'un si beau génie, au lieu de se perdre dans les affaires d'une seule ville, arrêté par l'obstacle, se re

jette quelque part, et trouve un meilleur emploi. Cet homme, fatigué du temps, se tourne vers l'éternité : il la voit éclairée d'une tradition qui vient du fond des siècles. Il y entre, il s'y établit pour le reste de sa vie; il y porte tout ce qu'il a d'art et de science, de colère et d'amour : il se rend maître de l'ensemble, fixe la structure, travaille pendant vingt ans jusqu'aux moindres détails, et ne se retire qu'en laissant partout la proportion et la beauté. Et le travail du poëte forcera encore, au bout de cinq cents ans, l'admiration de ceux mêmes qui n'aiment ni la pensée de la mort, ni celle de l'éternité, ni la théologie parce qu'elle en est pleine, ni l'Église parce qu'elle les prêche. - Pendant ce temps-là, on avait d'autres récits épiques, des poëmes chevaleresques écrits pour le plaisir des rois et des cours on avait les douze Preux de la Table-Ronde, et la Quête de Saint-Graal. Impossible de concevoir de plus nobles caractères ni des aventures plus attachantes. Cependant les grands écrivains n'y touchèrent pas. Ces belles histoires descendirent les siècles, se transformant toujours, en vers, en prose, en contes populaires. Je trouve le Lancelot refait quatre fois en Italie au seizième siècle seulement. Je ne sache point qu'on ait tenté refaire la Divine Comédie. Dante s'en est assuré, selon la forte expression d'un ancien, la possession perpétuelle. C'est là sa gloire, d'avoir mis sa marque, la marque de l'unité, sur un sujet immense, dont les éléments mobiles roulaient depuis bientôt six mille ans dans la pensée des hommes.

:

Le génie ne peut rien de plus. Il n'a pas mission, quoi qu'on ait dit, de créer, d'introduire des idées dans le monde. Il y trouve tout ce qu'il faut d'idées pour les esprits, comme tout ce qu'il faut de lumière pour les yeux mais il les trouve flottantes, nuageuses, en tourbillon et en désordre. La hardiesse est d'arrêter chez soi, au passage, ces pensées fugitives; de percer leur nuage, de saisir au vif les beautés qu'elles recèlent, de les fixer enfin, en les enchaînant, en y mettant l'ordre, en les forçant de se produire par les œuvres. Je crois voir l'originalité souveraine dans cette force d'un grand esprit qui soumet ses idées, les fait obéir, et en obtient tout ce qu'elles peuvent en sorte que le dernier secret du génie comme de la vertu serait encore de se rendre maître de soi. Si l'homme, d'après les philosophes, est un abrégé de l'univers, il ne se montre jamais si puissant que lorsqu'il maîtrise cet univers intérieur, ce tumulte orageux de sentiments et de pensées qu'il porte en lui. Dieu s'est réservé le pouvoir de créer; mais il a communiqué aux grands hommes ce second trait de sa toute-puissance, de mettre l'unité dans le nombre, et l'harmonie dans la confusion,

FIN DU TOME CINQUIÈME.

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I.— Au nom de N. S. Jésus-Christ et de la Vierge Marie, on a réuni dans
ce livre, comme autant de petites fleurs, les miracles et les picux exem-
ples de saint François et de ses compagnons.

232

II.

-

Du frère Bernard de Quintavalle, premier compagnon de saint
François..

234

III. Comment l'ange de Dieu proposa une question à frère Élie dans
le couvent du Val de Spolète.

239

-

IV. Comment le saint frère Bernard d'Assise fut envoyé à Bologne par

saint François et y fonda un couvent..

244

-

V. Comment saint François fit le carême dans une île du lac de Pé-

rouse..

247

VI.

-

Comment saint François, cheminant avec frère Léon, lui exposa
quelles choses font la parfaite joie.

249

IX.

-

VII. — Comment saint François enseignait à frère Léon la manière de
répondre, et comment celui-ci ne put jamais dire que le contraire..
VIII. Comment frère Masséo dit plaisamment à saint François que tout
le monde courait après lui, et comment lui répondit saint François.. 256
Comment saint François loua la pauvreté.

255

257

X. Comment saint François, étant à parler de Dieu avec ses frères,
Dicu apparut au milieu d'eux

262

XI. Comment sainte Claire mangea avec saint François et ses com-
pagnons à Sainte-Marie des Anges..

263

XII. Comment saint François institua le tiers ordre, prêcha aux oi-
seaux et fit rester en paix les hirondelles..

266

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