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qu'il avoue qu'elle n'a pas été enregistrée à Constantinople; mais il prétend qu'elle l'a été à Jérusalem beaucoup plus authentiquement, et voici ses preuves. Les Homélies de Cyrille se trouvent enregistrées dans la grande église de Jérusalem, elles contiennent la même doctrine que celle de la Confession; donc elle y a été enregistrée. Il est difficile d'entasser ensemble plus de faussetés et d'absurdités : car, pour faire un enregistrement d'un acte solennel, ou même de tout acte ordinaire, il faut qu'il soit fait dans le territoire de celui qui l'a donné; et ici les Grecs ne disent pas qu'il fallait que la Confession de Cyrille fût enregistrée quelque part, mais dans l'église patriarcale de Constantinople, qui avait intérêt à connaître ce que ses patriarches disaient en son nom.

Mais ce qui est encore plus surprenant, cet enregistrement n'a pas été fait à Jérusalem, et ce n'est qu'une imagination du sieur A. Dosithée, parmi les autres preuves de la fausseté de la Confession, donne celle-ci qu'on a à Jérusalem des homélies que Cyrille prêcha étant patriarche de Constantinople, et qu'elles sont écrites de sa main; qu'on y trouve sur tous les articles le contraire de ce qu'il avait exposé dans sa Confession, ce que Dosithée prouve par divers extraits. De ces copics manuscrites le sieur A. en fait un grand livre qui tient lieu de registre public; au lieu qu'il paraît qu'elles étaient entre les mains de Dosithée, comme les autres livres et pièces qu'il cite.

Il n'est pas moins remarquable qu'il rapporte les extraits comme contraires à ce que Cyrille avait dit dans sa Confession; ce qui prouve ou qu'elle n'était pas véritable, ou que cet apostat avait parlé contre sa conscience. Dosithée n'était pas un ignorant, ni assez stupide pour combattre la Confession par des passages choisis qui y fussent conformes, et il n'y a qu'à les lire pour reconnaître qu'il ne s'est pas trompé. Ainsi pour établir cette prétendue conformité, le sieur A. fait deux choses: l'une est qu'il a cru pouvoir par de pitoyables gloses donner aux passages des sens tout-à-fait contraires à leur signification naturelle; l'autre est qu'il retranche tout ce qu'il ne peut expliquer conformément à la Confession; et c'est ainsi qu'il démontre la ressemblance parfaite de cette pièce et des homélies. Quand au fond il l'aurait prouvée, il n'aurait encore rien fait, puisque la règle n'est pas qu'un écrit, afin d'être reconnu patriarcal, soit conforme à quelque autre qui sera inséré dans les registres des églises, mais qu'il soit enregistré luimême. Tout est donc faux et absurde dans ce raisonnement; et ceux qui se voudront donner la fatigue de lire les preuves que donne le sieur A. de cette prétendue conformité, seront étonnés de l'ignorance et de la hardiesse avec laquelle il croit embarrasser les choses les plus claires, jusqu'à mettre au nombre des arguments démonstratifs un passage dans lequel Cyrille emploie le mot de transsubstantiation, parce que, dit cet habile écrivain, il doit s'entendre métaphoriquement.

La troisième condition nécessaire est que les actes

soient écrits dans le codex ou registre par quelqu'un des clercs ou officiers de la grande église, ce qui n'a pas été observé à l'égard des chapitres de Cyrille, quoique cela ait toujours été fait pour les actes qui regardent la foi et les ordonnances ecclésiastiques; et en particulier le patriarche Jérémie fit ainsi transcrire ses réponses aux théologiens de Wittemberg, par Théodore Zygomalas, rhéteur de la grande église. Dosithée en conclut que si Jérémie a eu cette attention pour des écrits qu'il donnait comme particulier, à plus forte raison Cyrille la devait avoir, donnant une exposition de foi au nom de l'église orientale. Par conséquent comme elle manquait de toutes ces formalités, elle ne pouvait être considérée, en cas que Cyrille en fût l'auteur, que commie ayant été faite secrètement, et d'une manière frauduleuse.

Nos adversaires n'ont encore rien répondu sur cet article, et ils ne peuvent y répondre; car ils ne savent pas mieux que les Grecs la pratique de l'église orientale. Les décrets des synodes contre Cyrille ont toutes ces circonstances, et par ce moyen ils sont exempts de tout soupçon, ainsi que les attestations patriarcales produites dans la Perpétuité. Il est donc facile de reconnaître que les Grecs n'ont pas sans raison douté si longtemps de la vérité de la Confession donnée aux Hollandais par Cyrille, puisqu'elle manquait de toutes les conditions nécessaires, suivant lesquelles un acte patriarcal est reconnu légitime. On leur demande, à cette occasion, s'ils croient que leur saint martyr ait ignoré toutes ces choses, ou s'il les a dissimulées. On ne peut pas supposer qu'un patriarche ne sût pas ce que savaient les moindres officiers de l'église, et qu'il ignorât la forme que doit avoir un acte patriar cal. Il faut donc que, le sachant bien, il n'en ait rien dit à M. Haga, ni à Léger, qui devaient être bien peu instruits des coutumes de l'église de Constantinople, puisqu'ils se laissèrent tromper si grossièrement. Ainsi il ne pensait qu'à les amuser, et à s'acquitter de ce qu'il leur avait promis, en leur donnant un écrit informe, qu'il pouvait désavouer, comme il fit toujours. En cela on reconnaît assez le caractère de fourbe et d'imposteur qu'il a soutenu jusqu'à l'extrémité; et puisqu'il a trompé dans la forme, est-ce une si grande témérité de dire qu'il l'a fait aussi dans le fond, surtout après qu'on en a donné des preuves aussi claires que celles qui ont été rapportées?

On peut croire que toutes les réponses des disciples de M. Claude se réduiront à attaquer le synode de Jérusalem, comme a fait M. Smith, par des raisons qui ont été réfutées ailleurs. Mais quand elles auraient été aussi fortes qu'elles sont faibles, Dosithée ayant luimême publié ce qui fut approuvé et signé en 1672, il n'est plus question de soupçons, de conjectures, ni de figures de rhétorique pour attaquer cette pièce. On reconnaît aussi par cette seconde publication la fausselé de tout ce que le sieur A. avait inventé, assurant que Dosithée avait révolté tout son clergé par la nouveauté de la doctrine qui y fut publiée, et qu'il avait été chassé de son siége. Ce que nous avons dit lorsque

nous avons parlé de l'autorité de ce synode suffit pour le mettre à couvert de toute la critique la plus sévère. Ce n'en est pas une que d'inventer des faussetés grossières pour tromper les ignorants, dans la pensée qu'on ne pourra en être convaincu, ce qui est Ja grande méthode de l'auteur des Monuments: encore moins lorsqu'on croit imposer au public par un air d'autorité, comme ces témoins oculaires qui, n'ayant ni vu ni entendu ce qui est public dans toute la Grèce, savent ce que tout le monde ignore, ce qui ne fut jamais, et qui ne pouvait être; enfin qui nous citent des Holland is et des Suisses pour démentir tous les Grecs; ou qui veulent opposer à des témoignages publies, certains, suivis et jamais contestés, des déclarations de vagabonds ignorants qui n'osent retourner dans le pays, commes un prétendu archevêque de Samos qu'on a vu en France il y a plus de trente ans. Ces gens-là mêmes n'osent pas dire que ce que marque le synode de Jérusalem, touchant les conditions requises afin qu'une déclaration d'un patriarche soit authentique, ne soit véritable, puisqu'on voit qu'elles ont été toujours observées. Il s'ensuit donc que celle de Cyrille est sans autorité, et que ceux qui l'ont publiée avec le faux titre qu'il y a mis de Confession de l'église orientale, ne peuvent être justifiés sur leur

ignorance, ni sur l'imposture dont ils se sont rendus garants, encore moins le sieur A., qui lui a donné un nouveau titre de Confession des Grecs, puisqu'ils se trouvent réduits à un seul, qui est Cyrille.

Mais, disent les Genévois, nous avons eu l'original écrit de la main de ce patriarche, que M. Haga a certifié, comme la connaissant bien. On ne dispute point sur cet article; mais on prétend qu'il sert à prouver tout ce que disent les Grecs sur les défauts essentiels de cette pièce. Car un patriarche ne donne pas des actes publics écrits de sa main; il y a des officiers préposés pour les expédier; et une bulle écrite de la main du pape n'aurait aucune autorité par cette même raison. Ainsi tout ce que prouve le témoignage de M. Haga, est que Cyrille lui donna une Confession toute calviniste écrite de sa main; que peut-être il croyait ce qu'elle contenait; car on en pourrait encore douter avec les Grecs, puisqu'il prêchait et pratiquait tout le contraire; mais qu'il était certainement un imposteur et un calomniateur, lorsqu'il la donna au nom de tous les Grecs, qui croyaient que ce qu'il établissait comme des vérités, était autant d'erreurs abominables, et qu'ils n'en avaient jamais ouï parler. C'est un autre article sur lequel les calvinistes se sont le plus étendus, et que nous allons examiner.

LIVRE NEUVIEME,

TOUCHANT LA CONFESSION DE CYRILLE, SA PUBLICATION ET SA RECONNAISSANCE.

CHAPITRE PREMIER.

On examine si on peut prouver que la Confession de Cyrille a été publiée dans l'église grecque, qu'il l'ait reconnue, et qu'il l'ait soutenue.

Les Grecs et les calvinistes sont entièrement opposés sur cet article. Ceux-là assurent que jamais la Confession de Cyrille n'a paru publiquement dans leur église, et qu'elle n'y a été connue que par les copies imprimées à Genève qui y furent apportées ; que même il l'avait toujours désavouée, et qu'ainsi, à proprement parler, elle y a été ignorée, comme aussi que Cyrille a toujours passé parmi eux pour orthodoxe. Les calvinistes au contraire nous le représentent comme un généreux athlète combattant pour la vérité, qui a publié cette Confession à Constantinople et dans toute la Grèce, qui s'en est déclaré l'auteur, et qui ne l'a jamais désavouée. C'est sur cela que sont fondés les éloges dont ils l'accablent; et sur ce même fondement, ils l'ont fait martyr de la foi orthodoxe, c'est-à-dire, du calvinisme, avec autant d'assurance que s'ils avaient des preuves que les Turcs l'avaient fait mourir parce qu'il n'avait pas voulu rétracter sa Confession.

Il semble d'abord, sans entrer dans la discussion des faits, qu'en pareille contrariété, les Grecs sont plus croyables sur ce qui s'est passé parmi eux, que des étrangers qu'on reconnaît partout fort mal instruits

des affaires ecclésiastiques de la Grèce; et cette autorité augmente lorsqu'elle est soutenue par des actes publics et particuliers qui confirment leur témoignage. Les calvinistes, qui ne peuvent absolument nier que cette première proposition ne soit vraie, prétendent aussi prouver par les Grecs que la Confession de Cyrille a été publiée et connue dans toute l'église d'Orient; mais ces Grecs se réduisent à Cyrille seul, qui ne peut être écouté dans sa propre cause, à l'ambassadeur de Hollande, et au sieur Léger, son ministre, et ils n'ont point d'autres témoins. Car ceux qu'ils citent depuis ces premiers temps ne disent que ce qu'ils avaient appris de ces deux personnes, et par la lecture de leurs lettres ou de celles que Cyrille leur avait écrites. Ils n'y ajoutent rien que des déclamations et des lieux communs pour relever la vertu et la piété de ces personnes : enfin la dignité de M. Haga, de même que si c'était un crime d'état et contre le droit des gens, de ne le pas croire aveuglément sur des choses qui ne regardaient point son ministère : car ses maîtres ne l'avaient pas envoyé pour convertir les Grecs au calvinisme; ainsi on rend tout le respect qui peut être dû à une personne publique, lorsqu'on a cru sur sa parole que Cyrille lui avait donné sa Confession tout écrite de sa main. Quand après cela on prétendra prouver par son témoignage que c'est la créance de toute l'église d'Orient, qu'elle y avait été

reçue publiquement, et les autres faits fabuleux dont Hottinger a composé son roman, l'ambassadeur ne mérite pas plus de créance que son ministre. En effet, si dans toute cette négociation il eût agi comme ambassadeur des états, c'était en Hollande, et non pas à Genève, qu'il devait envoyer et faire imprimer la Confession de Cyrille. Il n'agit donc et ne doit être considéré en tout ceci que comme calviniste, et non pas comme ambassadeur.

Les Grecs, quoiqu'ils n'aient eu, à ce qu'il paraît, aucune connaissance de ces fausses histoires dont les ministres ont amusé le public, mais seulement de la préface de l'édition de Genève, citée par Syrigus, n'ont en aucun égard à ce témoignage, qui n'en mérite point; et au lieu que nous ne contestons plus que Cyrille n'ait été auteur de la Confession qui porte son nom, plusieurs en ont encore douté après de longues années; parce que ce qu'ils avaient vu et entendu leur paraissait plus vraisemblable que ce qui était dit par un étranger, que sa religion leur rendait suspect. Il leur paraissait aussi incroyable qu'un Grec, non pas seulement élevé à la première place de leur église, mais le plus simple, eût pu être assez ignorant ou assez hardi pour attribuer à toute l'église d'Orient des opinions aussi éloignées de sa créance et de sa discipline, puisque la conviction d'une pareille imposture ne demandait que des yeux.

Ils savaient, de plus, que les actes de cette nature devaient être revêtus de formalités nécessaires, non sculement pour avoir autorité, mais pour n'être pas regardés comme supposés. Le défaut entier de toutes ces formalités rendait done, non pas suspecte, mais fausse la Confession de Cyrille comme patriarche. On les a marquées dans les chapitres précédents, et on voit que cette raison confirmait les Grecs dans la pensée qu'ils avaient qu'il n'en pouvait être l'auteur, et plusieurs ne le croyaient pas encore quarante ans après. Syrigus même, qui était contemporain, réfutant cette Confession, et ne doutant pas, comme on voit par la suite de son discours, que Cyrille n'en fût l'auteur, dit néanmoins dans la préface, qu'il en faut laisser le jugement à Dieu, parce qu'il n'y avait aucune preuve publique qu'elle fût de lui.

Cependant si on veut croire M. Haga, Léger, Hottinger et M. Smith, Cyrille a publié sa Confession à Constantinople devant tous les Grecs, il en a envoyé plusieurs copies signées de sa main aux métropolitains et aux évêques éloignés: il l'a reconnue devant M. le comte de Marcheville, ambassadeur de France, et il ne l'a jamais désavouée. M. Haga et Léger n'ont d'autre témoin que Cyrille lui-même, qui le leur a assuré; et Hottinger n'en a pas eu d'autres que cet ambassadeur et son ministre. Voilà donc sur quoi roule toute la dispute, qui paraîtra sans doute fort bizarre, dès qu'on examinera les choses selon les règles desquelles tous les hommes conviennent pour de pareilles discussions.

Il s'agit d'un acte le plus sérieux et le plus important que puisse faire un patriarche, qui est de donner

une exposition de foi, non pas en son nom, mais au nom de toute son église. On sait de quelle manière de pareils actes doivent être dressés, expédiés et publiés afin qu'ils aient autorité. Chaque pays a ses coutumes; mais on convient partout qu'il faut observer celles qui se trouvent établies dans les lieux où ils ont été faits, que sans cela ils sont regardés commə faux et défectueux, de sorte qu'on n'y a aucun égard.

L'usage particulier de l'église grecque est que tout acte patriarcal qui regarde la foi ou la discipline ait les conditions qui ont été marquées ci-dessus, suivant le témoignage de Dosithée dans le synode de Jérusalem, qui ne dit rien qu'on ne trouve observé en pareilles occasions. La Confession de Cyrille n'a aucune de ces conditions nécessaires; d'où il s'ensuit qu'il ne l'a jamais mise en état d'être publiée, puisqu'elle ne le pouvait être qu'après avoir été communiquée aux évêques assemblés synodalement, et qu'alors elle devait être contre-signée et écrite par les officiers de la grande église, puis transcrite dans le codex ou registre. Il s'ensuit donc nécessairement qu'elle n'a jamais été publiée.

On dira peut-être qu'elle ne l'a pas été dans les formes accoutumées, mais qu'elle l'a été d'une manière équivalente, car c'est à quoi les calvinistes se réduisent. Mais c'est une illusion très-grossière que de supposer que personne puisse changer les formes prescrites par les lois, et autorisées par l'usage. Quelque autorité qu'ait le patriarche de Constantinople dans son église, il n'a pas celle d'abroger ce qui est établi par une pratique immémoriale, et fondée en raison autant qu'en exemples. S'il le pouvait faire, il faudrait que ce fût du consentement de son église et de son clergé, et même par une loi contraire. S'il agit contre la loi, il se rend coupable de l'avoir violée, mais elle n'en subsiste pas moins; et tout ce qu'il fait est sans autorité. On ne croit pas que jamais Cyrille ait dérogé à cette loi de l'église grecque; et ceux qui le diraient ne pourraient en donner la moindre preuve. Au contraire il parut agir de bonne foi et selon les règles, parce qu'il traitait avec des gens qui, quoiqu'ils fussent sur les lieux, les ignoraient entièrement. Il leur fit valoir que sa Confession était tout écrite de sa main, ce qui était entièrement inutile; il assura qu'il en avait envoyé diverses copies signées, ce qui ne servait encore de rien, puisqu'il fallait, outre son seing, y faire mettre celui de quelque officier de l'église. Par conséquent puisqu'on ne voit pas le moindre vestige, ni dans ceux qui ont écrit sur cette affaire, ni même dans ses lettres et dans celles de Lé ger, qu'il ait donné aucune autre forme à sa Confession que celle qui paraît dans les copies imprimées, elle n'en a jamais eu assez pour être rendue publique dans l'église grecque; et par conséquent on ne peut supposer, quand il l'aurait dit cent fois, qu'elle y ait été publiée.

Mais on ne trouve pas qu'il l'ait jamais dit, et ce que Hottinger, M. Smith et les autres veulent tirer de ses lettres ne le prouve point. Il dit, en quoi il trom

pait M. Haga et Léger, qu'il publiait partout sa Confes sion, qu'il l'avail reconnue comme sienne devant l'ambassadeur de France; et sur ce prétexte il s'excusait écrivant à Diodati de la légaliser, disant qu'après une déclaration si publique, elle n'avait pas besoin de légalisation. Ce serait prendre le change que de se laisser surprendre par un équivoque si grossier. On appelle publication d'un acte aussi important qu'une exposition de foi au nom de toute une église, la dernière forme qu'on lui donne après qu'il a été dressé juridiquement, en le rendant public selon l'usage des lieux, par les voies prescrites et par les officiers préposés pour cela. Que les copies courent entre les mains de tout le monde, qu'elles soient écrites si on veut par celui qui a pouvoir de le dresser, qu'il les montre à cinq cents personnes, qu'il en parle ouvertement, cet acte n'est point censé publié s'il ne l'est selon les formes. C'est là précisément le fait de la Confession de Cyrille. Ainsi, comme une bulle, un édit, une sentence dont on aurait les minutes écrites de la main de ceux qui auraient pouvoir de les publier, n'auraient aucune force si on ne les avait revêtus de toutes les formalités requises; de même, puisque cette Confession n'en a aucunes, elle ne peut être regardée que comme une pièce nulle et sans autorité.

Cyrille, dit-on, l'a déclarée publiquement. C'est un fait que les Grecs nient, et ils s'en expliquent ainsi dans te synode de Jérusalem: Il est manifeste, disentils, à toute personne qui ne voudra pas agir de mauvaise foi, que jamais Cyrille n'a été connu comme calviniste dans l'église orientale: car ayant été fait patriarche d'Alexandrie après Mélèce, et ensuite élu par le consentement commun du clergé pour être patriarche de Constantinople, où il se trouvait alors, il n'a jamais dit, ni enseigné, ni dans le synode ou dans l'assemblée des évêques, ni dans la maison d'aucun orthodoxe, en public ou en particulier, aucune chose de ce que les adversaires lui attribuent. Que s'ils prétendent qu'il a tenu de pareils discours en particulier à quelqu'un ou même à plusieurs personnes, ils ne savent ce qu'ils disent : car s'ils voulaient rendre ce témoignage, il ne fallait pas que ce fût le leur propre, puisque comme accusateurs, et comme n'ayant point connu Cyrille, ils ne méritent aucune créance. Il fallait donc alléguer pour témoins ceux qui avaient connu Cyrille, et qui avaient su de quelle manière il avait vécu, dont il reste encore en vie un fort grand nombre. Mais les adversaires, qui n'ont jamais connu Cyrille, assurent qu'il était dans leur hérésie, et ceux qui ont vécu plusieurs années avec lui, et qui savaient tout ce qu'il faisait, disent le contraire. On comprend facilement que ces Grecs, qui avaient été familiers avec lui, n'auraient pu rendre ce témoignage après tant d'annés, lorsqu'il n'y avait plus de raison d'intérêt pour le ménager, s'il avait aussi publiquement reconnu sa Confession que le prétendent les calvinistes. Ce que Dosithée dit sur ce sujet s'accorde avec le sentiment presque général des autres Grecs qui en ont parlé. Cet endroit a besoin d'être éclairci

avec attention, à cause de quelque contrariété qui se trouve dans la manière dont quelques-uns en ont écrit, et des conséquences absurdes qu'en ont tirées la plupart des défenseurs de Cyrille; et c'est ce que nous tâcherons d'éclaircir.

Les Grecs établissent donc d'abord qu'il n'a jamais été connu parmi eux comme calviniste, qu'il n'a point publié sa Confession; que même il l'a toujours désavouée avec serment, et qu'il a vécu comme les autres dans la profession publique de leur religion. Quelques autres reconnaissent qu'il était calviniste dans le cœur, qu'il avait tâché d'insinuer le calvinisme, qu'il avait communiqué sa Confession à un nombre d'évèques qui lui ressemblaient, dans une manière de synode, quoique cette dernière circonstance ne se trouve que dans la lettre d'Arsénius; et que, comme il a été dit ailleurs, il y ait d'assez fortes raisons pour la révoquer en doute.

Il est à remarquer que dans le synode tenu sous Cyrille de Berroée, son successeur, on lui dit plusieurs fois anathème, comme à l'auteur de la Confession; et il semble que de là on est en droit de conclure qu'il l'avait reconnue et même publiée. Voilà ce qui mérite d'être examiné, et non pas la réponse générale de M. Smith, qui consiste à dire qu'il s'étonne que celui qui dressa les décrets du synode de Jérusalem ait osé avancer de si grandes absurdités, qui, selon ce que croit ce critique très-peu exact, sont si puériles, qu'elles ne méritent aucune réponse. Nous espérons cependant faire voir que cette mauvaise défaite est encore plus absurde que ce qu'il attribue aux Grecs, dont il ne rapporte pas les sentiments fidèlement.

Il n'y a aucune contrariété dans ce que disent les Grecs. Tous conviennent, et il faut que les défenseurs de Cyrille l'avouent pareillement, que Cyrille n'a jamais donné ni publié sa Confession par aucun acte patriarcal, et que telle qu'il la donna aux Génevois, elle n'avait aucune forme de pareil acte. Tous demeurent aussi d'accord qu'il a vécu dans la profession et dans la communion de l'église grecque, et les calvinistes ne peuvent le nier. Par conséquent les Grecs ont pu dire qu'il n'a jamais été connu parmi cux comme calviniste; puisque ni par une publication de sa Confession, ni par aucun autre acte extérieur qui y eût rapport, il n'a fait paraître les sentiments qu'il pouvait avoir dans le cœur. Telle était l'opinion publique, et c'était le seul jugement que pouvaient faire ceux qui n'étaient pas dans son secret; mais ceux qui y étaient, particulièrement les Hollandais, auxquels il avait donné sa Confession, et auxquels il faisait des protestations de son attachement à leurs opinions, le devaient regarder comme un hypocrite abominable.

Dans ce temps-là même il y avait assez de Grecs qui, sachant ses pratiques continuelles avec les calvinistes, le regardaient comme hérétique, et il le narque dans quelques-unes de ses lettres. On avait appris par celles de Rome, de France et d'ailleurs, que sa Confession avait été imprimée à Genève avec son

nom, et l'avertissement du libraire assurait qu'il en était l'auteur. Ces preuves étaient suffisantes pour le rendre suspect et même pour le convaincre, si la protection des Turcs, qu'il achetait par de grandes sommes, n'eût pas empêché les métropolitains et les évêques de le juger canoniquement. Il fut donc chassé et rétabli diverses fois par la puissance des Turcs, sans que la cause pût être examinée selon les formes, quoiqu'un des principaux motifs qui engagea les Grecs à demander sa déposition fût le soupçon violent qu'ils avaient de son hérésie. Mais parce qu'il n'avait fait aucun acte public qui pût l'en convaincre, qu'il en faisait tous les jours qui étaient des preuves du contraire, il avait dans son parti plusieurs évêques et autres qu'il avait trompés par cette duplicité. Ainsi il n'y a pas lieu de s'étonner que les avis fussent différents sur son sujet.

Enfin lorsque Cyrille de Berroée eut obtenu le siége patriarcal, et que Cyrille Lucar eut été étranglé, le premier fit assembler le synode de 1638, dans lequel furent publiés les anathèmes contre la Confession et contre l'auteur. On reconnaît présentement que Cyrille de Berroée et les évêques qui assistèrent à ce synode ne rendirent pas un jugement injuste; cependant la condamnation personnelle de son prédécesseur était contre les formes, puisqu'il n'y avait contre lui que des soupçons, et aucune procédure juridique. La plupart des évêques et des officiers qui souscrivirent en savaient assez pour ne craindre pas de charger leur conscience; puisqu'on trouve que Méléce Syrigus, qui était du nombre, ne balançant pas à assurer qu'il avait composé cette Confession, et la réfutant toujours comme la doctrine de Cyrille, dit néanmoins qu'à l'égard de sa personne il en laisse le jugement à Dieu. Cependant il finit son ouvrage après le premier synode, où Cyrille avait été anathématisé comme auteur de la Confession.

L'inimitié ouverte qui était entre lui et Cyrille de Berroée faisait aussi soupçonner à ceux qui n'avaient pas pris de part à leurs querelles, que dans le jugement synodal il y avait eu autant de passion que de zèle. Ce fut pour cela que Parthénius-le-Vieux étant patriarche, lorsqu'il eut appris le scandale que causait la Confession de Cyrille en Russie, en Moldavie et en Valachie, prit une autre méthode; car il condamna les erreurs sans attaquer la personne. Mais afin qu'on 'ne pût pas dire qu'en révoquant ce qui avait été fait par son prédécesseur contre Cyrille Lucar, il approuvât même indirectement ses erreurs, il fut dit, dans le préliminaire, que les chapitres avaient paru sous le nom de Cyrille, sans dire absolument qu'il en fût l'auteur, et en même temps sans dire qu'il ne le fût pas.

La disposition des Grecs par rapport à Cyrille Lucar a donc été telle, que non seulement de son vivant et incontinent après sa mort, mais au bout d'un assez grand nombre d'années, ils n'ont point formé de jugement certain pour déterminer s'il était itablement auteur de la Confession imprimée à Genève, ou si elle lui était faussement attribuée. Cyrille de Berroée et

ceux qui souscrivirent le synode de 1638 avaient cru qu'il en était l'auteur, et en cela ils ne se trompaient pas; mais c'était qu'ils savaient toutes les liaisons criminelles de Cyrille Lucar avec les calvinistes, et qu'ils pouvaient avoir eu quelques copies de sa Confession, qu'il avait données sous main à ceux qu'il tâchait d'attirer au calvinisme; non pas qu'ils eussent des actes authentiques et publics par lesquels on pût le convaincre qu'elle était de lui. Car ces pièces auraient été également connues à Parthénius-le-Vieux et à son synode dès qu'elles auraient été dans la forme requise, puisqu'un patriarche ne peut ignorer ce qui est dans le registre de la grande église ; et si une confession calviniste qu'il condamnait y eût été enregistrée, il aurait dù l'en faire ôter.

Il n'y a donc en cela aucune contradiction entre ces deux jugements sur la personne de Cyrille, sinon sur la question de fait, s'il était auteur de la Confession; puisque tous convenaient qu'elle n'avait point été publiée dans les formes, dès que les uns doutaient qu'il l'eût faite, et que les autres le croyaient comme certain. Ceux mêmes qui lui dirent anathème ne niaient pas qu'il n'eût vécu comme orthodoxe, puisque chacun savait qu'il avait pratiqué tout ce que les autres Grecs pratiquent. Enfin tous s'accordaient à condamner la Confession comme hérétique; ce qui est encore une nouvelle preuve par laquelle on démontre qu'elle n'avait jamais été publiée ni reconnue par Cyrille. Car quelle raison auraient eue Parthénius et les évêques de son synode, pour ne pas anathématiser l'auteur d'une Confession que tous condamnaient comme hérétique, sinon qu'il n'y avait aucune preuve juridique qu'elle fût de lui?

On remarquera en passant que ces Grecs, et Mélèce Syrigus entre autres, avaient vu la préface de l'édition de Genève, où on fait tant valoir l'autorité de l'ambassadeur de Hollande, que cependant ils ne la crurent pas d'un plus grand poids que nous ne la croyons, soit pour le justifier, soit pour le condamner. Aussi ne voit-on pas que dans la suite de cette affaire on en ait fait aucune mention, sinon pour reprocher à Cyrille son commerce avec cet ambassadeur; et les Grecs savaient bien qu'il ne lui convenait pas de certifier la Confession d'un patriarche, mais que c'était aux officiers de leur église à faire cette légalisation. Le témoignage de M. Haga aurait été bon pour attester que Cyrille avait fait profession de foi selon la doctrine de Genève, et pour l'y faire admettre à la cène, encore même celui du ministre Léger aurait été en cela d'une plus grande autorité. Mais que parce qu'il était chargé des affaires des Hollandais, il s'avisât de certifier que Cyrille lui avait mis sa Confession entre les mains, qu'il l'avait avouée et publiée dans l'église grecque, cela n'était pas plus de son ministère que serait l'attestation d'un ambassadeur protestant en pays catholique, sur quelque affaire purement ecclésiastique. S'il allait jusqu'à faire imprimer un écrit contenant une exposition de foi toute contraire à celle qui y est reçue, et dont jamais

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