Dans mes jardins, sur un beau piédestal, J'aurais fait mettre un Ésope en métal, Et par mon ordre, un de mes substituts Aurait gravé près de ses attributs : Vive la bosse, et vivent les bossus ! Concluons donc, pour aller jusqu'au bout, Qu'avec la bosse on peut passer par tout, Qu'un homme soit ou fantasque ou bourru, Qu'il soit chassieux, malpropre, malvêtu, Il est charmant, pourvu qu'il soit bossu. Santeul. 174-
LE BON TEMPS
Chacun vivait joyeusement Selon son état, son ménage, L'on pouvait partout sûrement, Labourer dans son héritage, Si hardiment que nul outrage, Nul chagrin, n'eussent été faits Sous peine d'encourir dommage. Hélas! le bon temps que j'avais !
De paix et de tranquillité, Lors on était en sauvegarde ! Justice avait autorité.
De nul danger on n'avait garde. Près du riche, l'âme gaillarde, Fier, quoique pauvre, je marchais, Sans redouter la hallebarde. Hélas! le bon temps que j'avais !
Il n'était en cette saison,
De loger par fourriers, nouvelles : Ni chez nous mettre garnison; Mais faire chère des plus belles. Prendre à deux mains grandes bouteilles, Manger bien chaud, boire bien frais, Et chanter sous les vertes treilles. Hélas! le bon temps que j'avais !
Hé! croyez-vous qu'il faisait bon En ces beaux près, à table ronde, À voir le beau, le gras jambon, La sauce en écuelle profonde, Deviser de Margot la blonde ; Et puis danser sous la saulsais, Il n'était autre joie au monde. Hélas! le bon temps que j'avais !
Du temps du feu roi trépassé, On ne volait point par la ville. Je n'étais point éclaboussé Par des gens d'humeur incivile. Les sergents, trottant à la file, Ne demandaient point où j'allais, Je marchais, gai, libre et tranquille. Hélas! le bon temps que j'avais !
Martial d'Auvergne. 14—
La mère Bontemps
S'en allait disant aux fillettes: Dansez mes enfants,
Tandis que vous êtes jeunettes; La fleur de gaité
Ne croit point l'été ;
Née au printemps comme la rose, Cueillez-la dès qu'elle est éclose,
Dansez à quinze ans,
Plus tard il n'est plus temps.
À vingt ans, mon cœur
Crut l'amour un Dieu plein de charmes ;
Ce petit trompeur
M'a fait répandre bien des larmes ;
Il est exigeant,
Boudeur et changeant ;
Fille qu'il tient sous son empire
Fuit le monde, rève et soupire;
Dansez à quinze ans,
Plus tard il n'est plus temps.
Les jeux et les ris
Dansèrent à mon mariage;
Mais bientôt j'appris
Qu'il est d'autres soins en ménage :
Mon mari grondait,
Mon enfant criait,
Moi ne sachant auquel entendre, Sous l'ormeau pouvais-je me rendre? Dansez à quinze ans,
Plus tard il n'est plus temps.
Le temps arriva
Où ma fille me fit grand mère ; Quand on en est là,
Danser m'intéresse guère ; On tousse en parlant,
On marche en tremblant;
Au lieu de danser la gavotte
Dans un grand fauteuil on radotte. Dansez à quinze ans,
Plus tard il n'est plus temps.
J'AI DU BON TABAC DANS MA TABATIÈRE
J'ai du bon Tabac dans ma tabatière, J'ai du bon Tabac, tu n'en auras
J'en ai du fin et du râpé,
Ce n'est pas pour ton fichu nez. J'ai du bon Tabac dans ma tabatière, J'ai du bon Tabac, tu n'en auras
Ce refrain connu que chantait mon père, A ce seul couplet il était borné. Moi, je me suis déterminé
À le grossir, comme mon nez.
J'ai du bon Tabac, etc.
Un noble héritier de gentilhommière, Recueille, tout seul, un fief blasonné : Il dit à son frère puîné :
Sois abbé, je suis ton aîné.
J'ai du bon Tabac, etc.
Un vieil usurier, expert en affaire, Auquel, par besoin, l'on est amené, A l'emprunteur infortuné Dit, après l'avoir ruiné:
J'ai du bon Tabac, etc.
Juges, avocats, entr'ouvrant leur serre, Au pauvre plaideur, par eux rançonné, Après avoir pateliné,
Disent, le procès terminé :
J'ai du bon Tabac, etc.
D'un gros financier, la coquette flaire Le beau bijou d'or, de diamants orné. Le grigou, d'un air renfrogné,
Lui dit Malgré ton joli nez.....
J'ai du bon Tabac, etc.
Neuperg se croyant un foudre de guerre, Est, par Frédéric, assez mal mené.
Le vainqueur qui l'a talonné, Dit, à ce Hongrois étonné...
J'ai du bon Tabac, etc.
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