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fur vous du plus important de fes ouurages. A la verité fa prouidence n'eft iamais fi hautemeat occupée, que quand il faut choisir celuylà,qui doit vfer bien ou mal de toutes les ri-' cheffes du Ciel, & exercer vne puiffance, qui eft la plus proche de l'infinie. Autrefois en de moindres occafions Dieu fe feruoit pour parler aux hommes, de la foudre & des orages, & declaroit fa volōté par d'autres moyens que, ceux qui font ordinaires: Mais dépuis qu'il a fait ceffer les oracles & laiffé agir le tonnerre naturellement, ce n'eft plus que par la voix des Cardinaux qu'il fait entendre ce qu'il defire,& qu'il ordonne de la conduite du monde. Quand il vous plaira, Monfeigneur,ie fçauray les infpirations qu'il vous a enuoyées, & l'élection que vous auez faite : car de l'aller apprendre fi toft fur les lieux, il faudroit qu'il n'y eût point de feureté pour moy en ce Royaume, & que ie ne conneuffe comme ie fais, le Soleil de Rome. Celuy qui noircit les Mores, & qui brufle la Libie, n'est point fi dangereux en cette faison : & fi vous n'aucz des threfors de neige, & des falles de marbre pour vous defendre du Ciel, i'aimerois autant eftre condamné au feu, que de demeurer au lieu où vous estes: Toutesfois ce n'eft pas vous à qui on doit faire de ces chofes-là.' peur Vous n'auez garde de trouuer mauuais l'air' qu'a refpiré toute l'ancienne Republique, ny le Soleil qui a aidé à faire tant de conquerans, & efclairé de fi beaux triomphes. Mais pour moy qui n'ay pas ces confiderations, & qui me fuis mis tout entier en

pas

la puiffance de la medecine, il faut que ie fuïe l'ombre mefme du danger, & que ie viue dans le monde auec autant de crainte qu'en vn païs d'ennemis,ou en vne foreft de beftes fauuages. C'est donc de pure neceffité que i'attens icy vos commandemens, & vne meilleure faifon pour vous aller témoigner,fans courre fortune de la vie,que ie fuis de toute mon ame,

MONSEIGNE VR,

Voftre, & c.

LETTRE XIII.

Au mefme.

MONS

CONSEIGNEVR,

Ie ne croyois pas pouuoir iamais eftre fi mal-heureux que de chercher dans la Gazette ceque vous faites, & n'apprédre point d'autres nouuelles de vous que celles que le bruit commun enuoye en toutes les parties du monde, & que les Anglois & les Allemans peuuent fçauoir auffi bien que moy. Cette punition m'eft d'autant plus fenfible, qu'autrefois i'ay efté riche des biens,qu'il femble que vous me vouliés ofter, & qu'il y a vn temps, auquel vous defcendiez du lieu où voftre naiffance vous a éleué, & vous dépouillez de toute la grandeur qui vous enuironne, pour vous communiquer

moy

familierement. Or, Monfeigneur,puis qu'vne parole de voftre bouche m'a fouuenţ guery l'efprit, & que plufieurs fois vous m'auez rendu heureux fans l'aide de la fortune, ie vous aduouë franchement que ie ne puis me refoudre à changer de condition, & que de vos plus petites faueurs il ne fe peut faire que de grandes pertes. Toutesfois eftant fi peu coulpable, que ie ne fçaurois trouuer ce que i'ay fait, & ne connoiffant point parmy les hommes d'autre verité que voftre parole, i'ay bien de la peine à me deffier d'vne chofe, fur l'affeurance de laquelle la moitié de la Cour s'eft engagée à la guerre, & les Villes affiegées ne feroient point de difficulté de fe rendre. Vous m'auez promis, Monfeigneur, de m'ay mer toufiours, & partant trouuez bon que ie vous faffe fouuenir, que comme les anciens Dieux du pays où vous cftes, obeïfloient aux deftinées après les auoir faites, qu'auffi vous eftes bien au deffus de toutes les autres loix, mais que vous eftes fujet à votre parole. Le veux croire qu'elle ne peut eftre reuoquée,tant que l'ordre des chofes du monde ne fe changera point, & que les Arrefts de la Prouidence feront immuables; & fi vous vous repentiez de quelqu'vne des actions de voftre vie, vous feriez plus que vos ennemis, qui ne les ont iamais encore blafmées. Pour moy ie n'ay garde de m'imaginer que i'aye perdu voftre bien-veillance, de peur d'affenfer voftre iugement qui me l'a donnée, & reprocher aux meilleurs yeux du monde d'aBoir efté autrefois aucugles. Ie m'imagine

pluftoft que fi vous ne m'enuoyez point de nouuelles du lieu cu vous eftes, c'est que Vous penfez que ie fçache ce qui s'y doit faire d'icy à dix ans, & que ie fois tout plein de la Cour

de Rome, & des chofes d'Italie. A la verité ie connois le Pape d'aujourd'huy, & i'ay toûjours creu qu'il n'y auoit point d'efprit plus capable de porter vne felicité fi pefante, ny de nous faire voir la premiere beauté de la Religion, & l'aage d'or de l'Eglife: Ie fçay qu'à Rome l'oifiueté eft iour & nuict occupée, & que les complimens & les ceremonies. vous donnent plus de peine que vous n'en auriez à gouuerner le monde, fi Dieu vous en auoit laiffé la conduite. I'ay encore deuant les yeux ce grand Tyran qui a tant de teftes, ie veux dire la Seigneurie de Venife, & tous ces petits Souuerains, qui perdroient plus de gens. en faifant perdre vn homme, que le Roy n'en trouueroit à dire en deux batailles, & à la prife de quatre villes. Mais, Monfeigneur, cela & le refte ne me touche que legerement l'efprit, & comme vous eftes la feule chofe au monde qui faites mes ioyes & mes déplaisirs, auffi c'eft de vous feul que i'attens les bonnes & * les mauuaifes nouuelles. Ie me fuis rendu voftre affection tellement neceffaire pour le contentement de ma vie, que fans elle ie trouuerois des defauts à la felicité mefme, & fentirois imparfaictement les meilleurs fuccez qui me fçauroient arriuer.Rendez-moy donc,s'il vous plaift, our continuez-moy cette ancienne faueur, dont il eft impoffible que ie me paffe. Et puis que vous faite partie d'vn corps, à qui

Dieu a donné l'infaillibilité, & qu'il eft deffendu de douter de la certitude de voftre prudence, ne condamnez pas,ie vous fupplic, ce que vous auez fait autrefois, comme fi vos bonnes graces d'Italie eftoient quelqu'autre chofe que celle de France. Ie fuis,

MONSEIGNEVR,

Voftre, &c.

LETTRE XIV.

A Monfieur du Planty

CONSIEVR,

MONSIE

Puis que vous ne fçauriez plus arriuer qu'a prés la Fefte, & que ce n'eft pas voftre deffein d'apporter de l'oppofition à l'élection du Pape qui a efté faite legitimemet, ie vous confeille d'attendre les beaux iours, & de laiffer fondre la neige des Alpes. Il eft vray neantmoins que vous eftes icy en telle reputation, que fi vous ne venez bien toft, ie m'imagine qu'on vous ira querir, & que pour auoir Monfieur le Cardinal, la Cour de Rome fera vn procez à celle de France. Il faut donc, s'il luy plaift,, qu'il fe contente de remettre fon voyage, & qu'il laiffe aux autres l'agitation & la guerie, pour venir viure dans la gloire, & dans les triomphes. Cependant ie pourray

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