Lettres à une antre inconnue

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Michel Lévy frères, 1875 - 233 pages
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Page xxxvi - ... bien des choses auxquelles sans doute les maîtres ne pensaient pas. C'est le propre des Français de tout juger par l'esprit. Il est juste d'ajouter qu'il n'ya pas de langue qui puisse exprimer les finesses de la forme ou la variété des effets de la couleur. Faute de pouvoir exprimer ce que l'on sent, on décrit d'autres sensations qui peuvent être comprises par tout le monde.
Page xxxii - ... souvenirs le transportaient. Puis, avec l'esprit d'observation qui ne l'abandonnait jamais, il détaillait tous les petits symptômes, toutes les indications d'indifférence croissante qu'il avait dû remarquer. La LO-GIQUE n'était pas oubliée. « Sa conduite, après tout, disait-il, est raisonnable. Elle aimait le whist, elle ne l'aime plus; tant pis pour moi si j'aime encore le whist. Elle est d'un pays où le ridicule est le plus grand de tous les malheurs. Aimer à son âge est ridicule....
Page xxx - En 1836, je le revis après une longue absence. Nous nous étions donné rendez-vous à une trentaine de lieues de Paris, et nous avions mille choses à nous dire. Nous devisâmes longtemps le soir, allant et revenant sur la promenade publique d'une petite ville, c'est-à-dire dans un des lieux les plus solitaires de la France. Là, il me parla de ses amours avec une émotion profonde. C'est la seule fois que je l'aie vu pleurer. Une affection, qui datait de très loin, n'était plus partagée. Sa...
Page xxvii - Shakespeare et du Dante, qui sont intimement unies à la forme du vers. Il a dit son dernier mot sur la poésie dans son livre de l'Amour : « Les vers furent inventés pour aider la mémoire ; les conserver dans l'art dramatique, reste de barbarie.
Page xxvi - Il écrivait toujours rapidement, changeant sa pensée et s'inquiétant fort peu de la forme. Il avait même du mépris pour le style et prétendait qu'un auteur avait atteint la perfection lorsqu'on se souvenait de ses idées sans pouvoir se rappeler ses phrases. Plein de haine pour la recherche et la prétention, il était impitoyable pour les écrivains qui s'appliquent à rapprocher des mots surpris de se trouver ensemble, à polir leurs périodes, à donner aux pensées les plus triviales un...
Page xxv - Si vous vous trouvez seul avec une femme, je vous donne cinq minutes pour vous préparer à l'effort prodigieux de lui dire : Je vous aime. Dites-vous : « Je suis un lâche si » je n'ai pas dit cela avant cinq minutes.
Page 103 - Vous me parlez de chasse avec tant d'ardeur que vous voudriez déjà, je pense, vous trouver en face d'un loup, voire même d'un ours. Passe pour la première de ces vilaines bêtes, mais je vous interdis absolument les ours : ils sont trop mal élevés pour avoir du respect pour les chasseresses...
Page xxxi - — « Pour moi, me disait Beyle, elle a l'âge qu'elle avait lorsqu'elle s'est donnée à moi pour la première fois. » II voyait dans un avenir prochain la rupture d'une liaison qu'il avait toujours chérie. Une pensée à laquelle il rapportait tout allait être effacée. Il me racontait les témérités d'autrefois de cette femme, aujourd'hui si prudente, et ces souvenirs* le transportaient. Puis, avec l'esprit d'observation qui ne l'abandonnait jamais, il détaillait tous les petits symptômes,...
Page xxxv - C'est encore la façon de juger en France, où l'on n'a ni le sentiment de la forme, ni un goût inné pour la couleur. Il faut une sensibilité particulière et un exercice prolongé pour aimer et comprendre la forme et la couleur.
Page xxviii - Sauf quelques préférences et quelques aversions littéraires, nous n'avions peut-être pas une idée en commun, et il y avait peu de sujets sur lesquels nous fussions d'accord. Nous passions notre temps à nous disputer l'un et l'autre de la meilleure foi du monde, chacun soupçonnant l'autre d'entêtement et de paradoxe; au demeurant bons amis, et toujours charmés de recommencer nos discussions.

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