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ce but, le khan Mamaï marcha sur Moscou à la tète d'une armée formidable, qui rencontra celle du grandprince sur les bords du Don (1380), où eut lieu la fameuse bataille de Koulikovo. L'armée russe, composée des guerriers de presque toutes les principautés (excepté celle de Riazane, dont le prince, Olègue, fut traître à la patrie), remporta sur les forces imposantes des Mongols une brillante victoire qui valut au prince Dmitrii le glorieux surnom de Donskoï. C'était le premier échec dont avaient à souffrir les armes tartares, depuis l'invasion; la horde de Mamaï, qui avait si gravement compromis les intérêts de la domination et le renom militaire des Mongols, fut soumise à un autre khan Tokhtamyche, qui voulut, en 1382, venger l'honneur de l'islamisme et reconquérir son influence ébranlée. Il envahit la Russie du côté de l'Orient; le prince Dmitrii Donskoï, abandonné par ses alliés, fut réduit à livrer sa capitale au sac des Tartares, conduits cette fois encore par le prince Olègue de Riazane. Tokhtamyche, après avoir dévasté toute la Grande-Principauté, retourna à sa résidence de Saraï. Ainsi, la victoire de Koulikovo resta sans fruits; elle avait appris seulement, d'une manière frappante, aux princes russes que leur union pouvait sauver la patrie; mais ils oublièrent bientôt ce précieux enseignement, et recommencèrent leurs querelles intestines et leurs intrigues à la horde. C'est pourquoi, la Russie retomba pour longtemps

encore sous le joug de ses dominateurs mongols.

Le prince Dmitrii mourut en 1389, laissant pour héritier son fils Vasilii qui, après un règne de 36 ans qu'il passa à guerroyer contre les Tartares, les Lithuaniens et les princes apanagés, eut, en 1425, pour successeur son fils Vasilii, surnommé l'Aveugle.

Le règne de ce malheureux prince fut une succession continuelle de péripéties tragiques, et pendant les 37 années qu'il dura, Vasilii fut tour à tour chassé du trône par son oncle George, qui le lui avait disputé à son avénement; remis en possession du pouvoir par un accord de famille; dépossédé, par son cousin Vasilii le Louche, fils de George, puis réintégré dans sa Grande-Principauté; puis encore une fois emprisonné par Chemiaka, autre fils de George, qui lui creva les yeux; puis enfin, rappelé de nouveau au trône, en 1447, par l'acclamation populaire. Pendant son règne, qui se prolongea jusqu'en 1462, il eut à soutenir des guerres intestines continuelles et une lutte incessante contre les débris des hordes mongoles qui, de leur côté, étaient gravement travaillées par des éléments de, désorganisation intérieure et marchaient rapidement à leur décadence.

En faisant l'histoire de la Grande-Principauté de Moscou, nous avons écrit celle de tous les autres apanages de l'empire russe. Revendication à main armée de quelques droits ou de quelques lambeaux de territoire; procès entre compatriotes, jugés par les

khans étrangers, ou quelquefois plus sagement portés à l'arbitrage des métropolitains; villes saccagées, populations massacrées par des invasions partielles ou générales des Tartares: tel fut le spectacle qu'offrit, sur tous les points: la Russie, pendant cette lamentable période de ses annales.

CHAPITRE VII

INFLUENCE De l'église et EXEMPLES

DE PIÉTÉ ET DE VERTU

Les métropolitains de Moscou.

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Les person

Le métropolitain saint Alexis et son histoire; son activité littéraire, son influence politique. Caractéristique religieuse et politique de la période mongole. · nages ecclésiastiques remarquables par leurs vertus: saint Serge.-Les princes: saint Alexandre Nevsky, Romane d'Ouglitch, Dovmond de Pskoff, Daniel de Moscou. ·Prépondérance de Moscou.

Tandis que les grands princes n'exerçaient qu'une autorité affaiblie, souvent contestée et menacée, jamais indépendante de l'étranger, une autre puissance s'élevait à côté de la leur et prenait, quoique sans empiétements, une place importante dans les destinées du peuple russe : c'était le clergé.

Les métropolitains de Moscou, qui recevaient leur exequatur du khan, indépendamment du grandprince et d'autres princes apanagés, représentaient un pouvoir influent, appuyé sur d'immenses possessions territoriales que les Tartares avaient dégrevées de tout impôt. Les métropolitains avaient leurs cours, leurs boyards conseillers, leurs tribunaux; ils administraient l'Église et ses biens en véritables souve

HISTOIRE DE LA CIVILISATION EN RUSSIE. 167

rains. Les princes apanagés se soumettaient aux décisions des métropolitains dans leurs querelles politiques ou domestiques. C'est principalement aux vertus et aux talents du métropolitain saint Alexis que l'Église russe de cette époque fut redevable de sa splendeur et de son influence; un précis, rapidement esquissé, de la vie de ce célèbre prélat, donnera une juste idée de l'état social et du caractère de la puissance de l'Église en Russie au XIVe siècle.

Un certain Akhmed prit en ferme du khan Nogaï (arrière-petit-fils de Tchenguis) beaucoup de principautés centrales de la Russie; les exactions de ce fermier contraignirent, en 1283, les princes Olègue de Koursk et Sviatoslaw de Rylsk à s'armer contre lui pour le chasser de leur pays. Le khan Nogaï donna à Akhmed, pour reprendre l'offensive, des forces considérables avec lesquelles il usa de terribles représailles, s'empara complétement des principautés de Koursk et de Rylsk, et saccagea tout le pays environnant. A l'approche de ces barbares, les princes quittèrent leurs domaines avec leurs boyards; néanmoins, trente de ces derniers furent faits prisonniers, amenés à la horde et pendus devant le khan.

A cette époque, vers 1286, il y avait dans la province de Tchernigoff, exposée à tous les coups de main des Tartares, un grand boyard nommé Théodore Biakont, qui, pour se préserver du sort de ses collègues pendus à Saraï, quitta sa patrie et vint avec

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