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que les entomologistes appellent sternum, et avec raison, puisque le sternum humain lui-même est une colonne tritovertébrale de cette sorte. On voit alors ce sternum représenter une forte pointe saillante en arrière, sous l'abdomen, et à cet égard je ferai remarquer que le sternum de la vertèbre médiane et celui de la vertèbre postérieure se réunissent toujours complétement ensemble, tandis que celui de l'antérieure demeure isolé.

CCCXXXVII. Passons maintenant aux protovertèbres céphaliques.

En ce qui concerne d'abord les rapports numériques, ils sont simplifiés d'une manière fort remarquable chez les Insectes, comparativement à ce qu'ils étaient dans les Crustacés. Au lieu que la tête de ces derniers comprenait quelquefois trois vertèbres sensorielles et six vertèbres maxillaires, il ne reste ici que trois vertèbres en tout, et ce sont celles qui appartiennent essentiellement à la tête, c'est-à-dire les vertèbres sensorielles. Mais deux de ces vertèbres ont dû réunir en elles la signification de vertèbre sensorielle et celle de vertèbre maxillaire, tandis que l'autre demeure vertèbre sensorielle proprement dite, protovertèbre céphalique ou crânienne, ayant essentiellement la même signification que la protovertèbre céphalique des Céphalopodes, c'est-à-dire celle de vertèbre optique. C'est cette dernière qui seule forme l'anneau vésiculeux dont se compose essentiellement la tête de tous les Insectes (pl. xxv, fig. XXVI, 1). Sa formation est extrêmement simple; ce n'est qu'un anneau, dont la configuration extérieure varie beaucoup, mais qui la plupart du temps néanmoins est assez globuleux, qui porte des deux côtés les yeux, et qui enveloppe l'anneau nerveux primaire, avec son ganglion cérébral et son ganglion sous-cesophagien. Les entomologistes appellent front la moitié supérieure de cet anneau, et jugulum sa moitié inférieure. Les Insectes supérieurs sont les seuls chez lesquels il s'y développe encore, au côté terrestre, et correspondante au ganglion inférieur de l'anneau nerveux primaire, une deutovertèbre, qu'on pourrait nommer vertèbre crânienne interne, et qui est parfaitement analogue aux deutovertèbres que j'ai déjà indiquées dans la poitrine. J'ai décrit

le premier cette vertèbre crânienne interne (1); mais je ne l'ai rencontrée que dans les genres supérieurs d'Insectes. Elle est surtout très-prononcée dans le Lucanus cervus. Les genres inférieurs, tels que Curculio, Cerambyx, Carabus, n'offrent rien de comparable.

CCCXXXVIII. Tandis que la protovertèbre crânienne proprement dite est développée en un anneau complet, les deux autres, destinées ensemble aux mâchoires, ne le sont que d'une manière partielle; mais, au lieu d'être en arrière de la vertèbre sensorielle, comme le sont les vertèbres maxillaires des Crustacés, elles sont au devant, de manière qu'elles terminent la tête en avant, et que, par ce transport de la région du point vital de la tête à l'extérieur, elles représentent un rapport plus beau ou plus harmonique. Nous pouvons donc les désigner sous le nom de vertèbres faciales.

Il règne, du reste, dans la formation de ces vertèbres faciales, le même type que dans les rudimens des vertèbres faciales de la tête des Céphalopodes, et, comme lui-même dans les protovertèbres abdominales de l'Insecte, chaque protovertèbre se divise ici en deux arcs, l'un supérieur plus grand, ou lame tectrice, l'autre inférieur plus petit, ou lame basilaire. Les entomologistes ont désigné l'arc supérieur de la première protovertèbre faciale, celle qui suit immédiatement la protovertèbre crânienne, sous le nom de chaperon (clypeus) (2), et son arc inférieur sous celui de menton (mentum); ils appellent labre l'arc supérieur de la seconde protovertèbre faciale, ou de l'antérieure, et lèvre son arc inférieur. Dénominations insignifiantes et arbitraires, qu'on ferait bien d'abandonner peu à peu; car nous avons besoin ici de termes expressifs qui fassent connaître l'homologie primordiale de ces arcs avec d'autres, et qui indiquent avec quelle parfaite légitimité, chez les Insectes supérieurs, les arcs protovertébraux, à partir du point d'intersection entre la poitrine et l'abdomen, vont en se rapetissant peu à peu, et pour ainsi dire en s'oblitérant,

(1) Zeitschrift fuer Natur-und Heilkunde, Dresde, 1821, t. II, cab. III. (2) Fabricius embrasse sous le nom de clypeus le chaperon et la lèvre supérieure..

tant à la partie antérieure du corps, par les formations plus relevées de la poitrine, du crâne et de la face, qu'à sa partie postérieure, par les formations moins relevées de l'abdomen. On peut comparer ensemble, sous ce point de vue, les protovertèbres de la tête, du thorax et de l'abdomen de l'Hydrophilus piceus, où ces belles proportions se manifestent d'une manière fort simple; car, comme la nature s'efforce souvent de cacher sous des milliers de formes la loi à laquelle elle obéit, de même aussi elle le fait dans les proportions des vertèbres céphaliques, qui, à la vérité, restent toujours les mêmes essentiellement, mais se modifient prodigieusement, infiniment même.

CCCXXXIX. Afin de signaler au moins quelques unes des modifications les plus remarquables, je vais rapporter les extrêmes sous le rapport du volume, tant des protovertèbres faciales que des protovertèbres crâniennes.

Les protovertèbres faciales, celle surtout qui tient immédiatement au crâne, s'accroissent d'une manière véritablement monstrueuse dans les Charansons, où elles produisent un long cylindre auquel est dû la forme singulière de la tête chez ces Insectes. La protovertèbre crânienne, au contraire, acquiert un développement vésiculaire monstrueux dans les Fulgores. Son renflement est moins grand chez plusieurs Coléoptères, le Cerf-volant, par exemple. Du reste, ici comme à l'égard du névrosquelette des animaux supérieurs, l'accroissement du crâne par rapport à la face décèle naturellement toujours un type plus élevé que le cas inverse.

CCCXL. Il ne nous reste plus qu'à parler de la segmentation des colonnes deutovertébrales rayonnantes, c'est-à-dire des membres. On peut établir, à cet égard, les propositions sui

vantes :

1o Comme tous ces rayonnemens se font dans le sens du rayon, et qu'en conséquence ils sont déterminés par l'hexagone, la même chose a lieu dans les Insectes.

2o Comme c'est dans la direction du milieu supérieur et inférieur du corps, et des points de l'hexagone qui correspondent là, parce que ces points marquent en même temps la division en quatre de la protovertèbre, que prédomine la for

mation des deutovertèbres parallèles à cette dernière, et comme par cela même le développement de membres rayonnans s'effectue essentiellement sur les deux points de l'hexagone qui tombent de chaque côté de la protovertèbre, il ne se produit non plus, dans les Insectes, que des membres pairs, qui se divisent en latéraux supérieurs et latéraux inférieurs.

3o Comme le premier développement de membres est encore relatif à la vie végétative, et se dessine sous la forme de branchies, il en est de même aussi chez les Insectes, où cette signification primordiale ne peut être méconnue, soit dans les lames complétement branchiales de certaines larves, soit dans les membres latéraux supérieurs (ailes) des Insectes parfaits (1).

CCCXLI. En descendant aux détails, nous examinerons d'abord les membres du tronc, parce que ce sont ceux qui prennent le plus de développement sous le rapport de l'étendue.

Ici se présente une loi applicable à tous les Insectes, quelque infiniment diversifiées que soient leurs formes. Chez tous, en effet, la poitrine, région du corps principalement destinée à la respiration, et qui par cela même acquiert déjà une prépondérance de volume dans les Insectes supérieurs, est la seule région du tronc où se développent de véritables membres pairs de ce même tronc.

En ce qui concerne les larves, qui, en général, ont des membres au tronc, quoique certaines, par exemple celles de la plupart des Diptères et des Hymenoptères, en soient dépourvues, elles offrent trois membres thoraciques inférieurs, c'est-à-dire trois paires de pattes.

Indépendamment de ces trois paires, quelques larves ont encore des membres abdominaux particuliers, mais qui sont ou de simples lamelles branchiales (comme dans beaucoup de Crustacés), ou des espèces de ventouses (comme dans les Annélides, les Sangsues par exemple). Le premier cas est celui des larves de certains Névroptères, et le second celui surtout

(1) L'homologie est devenue plus évidente depnis ma découverte d'une circulation dans les larves d'Ephémères et de Libellules, où j'ai montré que les germes des ailes se comportent comme de vraies branchies.

des larves de Lépidoptères. Enfin il arrive quelquefois aussi que certains membres de la première protovertèbre du corps, c'est-à-dire de la tête, se répètent à la dernière protovertèbre abdominale. C'est ce qu'on observe tant chez des larves que même chez des Insectes parfaits appartenant à des espèces inférieures. On peut citer comme exemples remarquables du pre mier genre les couronnes de rayons simples ou pinnés qui entourent l'ouverture anale et en même temps respiratoire de plusieurs larves de Diptères, par exemple dans les familles des Stratiomydes et des Tipulariées c'est la forme la plus pure de membres rayonnans disposés, en nombre encore indéterminé, au pourtour entier de la protovertèbre. Des exemples du second genre nous sont fournis par les aiguillons d'une multitude d'Hyménoptères, qui, avec leurs lames et leurs gaînes, correspondent aux mâchoires, et par les pondoirs, qui garnissent le canal prolongé des voies génitales, comme les mâchoires garnissent le prolongement de l'œsophage.

CCCXLII. Les membres du tronc qui prennent le plus de développement sont ceux de la poitrine.

Comme la poitrine est formée de trois protovertèbres, et que toute protovertèbre exige à proprement parler une paire de membres latéraux en haut et une en bas, on devrait aussi rencontrer à la poitrine trois paires de membres supérieurs et trois de membres inférieurs, et, comme les Insectes ne vivent plus dans l'eau, mais sont des animaux aériens, trois paires de membres aériens (branchies desséchées, ailes), et trois paires de membres terrestres (filets branchiaux cornés et articulés, pattes). CCCXLIII. Les trois paires de membres terrestres sont développées dans tous les Insectes, et même chez la plupart des larves. Quant aux trois paires de membres aériens, nulle part elles n'arrivent à un développement complet; les derniers genres des Insectes et toutes les larves en sont dépourvus, et même, parmi les genres supérieurs, beaucoup (Diptères) n'ont qu'une seule paire d'ailes, à la protovertèbre thoracique médiane; d'autres (Hyménoptères, Orthoptères, Névroptères, Hémiptères, Lépidoptères, Coléoptères ) n'en ont que deux, à la protovertèbre médiane et à la protovertèbre postérieure du thorax. Çà et là seulement on retrouve des rudimens d'une

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