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Les langues romanes modernes ont trop peu de quantité et d'accent pour pouvoir employer avec succès le rhythme des syllabes longues et brèves. Aussi n'y mesure-t-on ces dernières que par leur nombre.

2° Accent grammatical. L'accentuation des mots dans le discours exprime la modalité du jugement. Dans les phrases interrogatives, affirmatives, etc., l'accent est toujours sur le mot principal. La proposition la plus simple, celle qui ne se compose que de trois mots, le sujet, le verbe et l'attribut, a une signification diverse suivant le membre auquel l'accent se rapporte.

3° Accent des dilectes. L'accentuation des divers dialectes peint le caractère vif ou lent des peuples. Ici l'accent est physionomique. Celui qui ne ressort pas du caractère de l'individu, est maniéré. Dans les grandes villes, ceux qui affectent le bon ton, ont souvent une manière d'accentuer tout-à-fait différente de l'accent naturel du peuple. Les Allemands n'ont point d'accent général, comme les Français, les Danois et les Suédois.

TROISIEME PARTIE.

DES SENS.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

Les sens nous informent des états divers de notre corps par la sensation spéciale qu'éprouvent les nerfs sensoriels. Ils nous font connaître aussi les qualités et les mutations des corps qui nous entourent, en tant qu'elles déterminent des états particuliers de ces mêmes nerfs. Le sentiment est commun à tous les sens; mais la manière de sentir varie dans chacun d'eux. Sous ce rapport, on en distingue cinq, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher. Par toucher, nous entendons la manière de sentir propre aux nerfs sensitifs, tels que le trijumeau, le vague, le glosso-pharyngien et les rachidiens, c'est-à-dire les sensations de chatouillement, de volupté, de douleur, de chaud, de froid, et les sensations tactiles. Le mot de sensation ne nous servira désormais que pour désigner la transmission au sensorium, qui appartient également à tous les nerfs sensoriels. Les sens ne nous procurent, à proprement parler, que la conscience des qualités et des états de nos nerfs; mais l'imagination et le jugement sont toujours prêts à interpréter comme qualités et mutations des corps situés hors de nous les changemens provoqués dans nos nerfs par des causes extérieures. A l'égard des sens qui sont rarement affectés par des causes internes, comme la vue et l'ouïe, cette confusion nous est devenue tellement habituelle qu'à moins d'y réfléchir nous ne nous en apercevons pas. Mais, pour ce qui concerne le sens du toucher, qui est tout aussi souvent mis en jeu par des causes internes que par des causes externes, et qui nous procure la conscience des sensations particulières à nos nerfs

tactiles, il nous est facile d'apercevoir que ce que nous sentons, la douleur, la volupté, est un état de nos nerfs, et non une qualité des choses qui le déterminent. Ceci nous conduit à quelques principes généraux, dont l'exposition doit précéder l'histoire des sens considérés chacun en particulier.

I. Nous ne pouvons avoir, par l'effet des causes extérieures, aucune manière de sentir que nous n'ayons également sans ces causes et par la sensation des états de nos nerfs.

Cette proposition est de toute évidence pour le sens du toucher. Ce que les nerfs tactiles peuvent sentir est le froid et le chaud, la douleur et le plaisir, et d'innombrables modifications de sensations, qui ne sont ni de la douleur ni du plaisir, mais contiennent les mêmes élémens, lesquels seulement n'y sont point portés à l'extrême. Toutes ces sensations nous sont à chaque instant procurées par des causes internes, partout où il y a des nerfs sensitifs; elles peuvent aussi être déterminées par des causes extérieures, mais celles-ci ne sauraient y introduire un élément de plus. Ainsi les nerfs sensitifs ne sentent que nos propres états, des qualités mises en évidence par des stimulations ou internes ou externes.

Nous pouvons avoir la conscience d'une sensation olfactive, même en l'absence de toute matière odorante, lorsque le nerf olfactif a une disposition déterminée pour cela. Ces perceptions d'odeurs dues à des causes internes ne sont pas fré quentes on en voit cependant des exemples chez des sujets d'une complexion très-irritable.

Il en est probablement de même à l'égard du goût, quoiqu'ici la distinction soit difficile à établir, parce qu'on ne peut savoir si la saveur qu'on éprouve ne provient pas d'un changement particulier de la salive ou de la sécrétion muqueuse buccale. Dans tous les cas, le dégoût qui, comme sensation, appartient à la classe des sensations gustatives, dépend trèssouvent d'une simple disposition nerveuse.

Les sensations propres au sens de la vue, la lumière, les

couleurs, l'obscurité, peuvent aussi avoir lieu sans cause extérieure. Réduit au plus bas degré de sensibilité, le perf optique ne sent rien autre chose que l'obscurité. L'exaltation de sa sensibilité se manifeste, au contraire, les yeux étant fermés, par des effets de clarté et de scintillation, qui ne sont qu'une simple sensation, ne dépendent point d'une lumière matérielle, et ne peuvent par conséquent éclairer aucun objet. Chacun sait avec quelle facilité, en fermant les yeux, on voit les plus belles couleurs, surtout le matin, quand le nerf jouit encore d'une grande excitabilité. Ces phénomènes ont lieu fréquemment chez les enfans, au moment où ils se réveillent. La nature extérieure ne peut donc nous créer ici aucune impression qu'il ne soit possible à des causes internes de produire dans les nerfs, et l'on conçoit qu'un homme devenu aveugle, pendant sa jeunesse, par l'obscurcissement des milieux transparens, doit conserver une pleine et entière intuition intérieure de la lumière et des couleurs, quand la rétine et le nerf optique n'ont point souffert. Les idées qu'on se fait souvent des nouvelles sensations qu'une opération procure à l'aveugle de naissance sont exagérées et inexactes. L'élément de la sensation visuelle, la lumière, la couleur, l'obscurité, doit être connu de cet homme, tout aussi bien que des autres. Supposons même qu'un homme naisse au milieu d'une nature uniforme et dépouillée du prestige des couleurs, qu'en conséquence les impressions de celles-ci ne lui soient jamais amenées du dehors, son sens de la vue n'en serait pas pour cela plus pauvre que celui de tout autre; car la lumière et les couleurs sont innées en lui, et n'ont besoin que d'une excitation pour arriver à l'intuition,

Les sensations auditives nous viennent également aussi bien du dedans que du dehors. Toutes les fois que le nerf acoustique se trouve dans un état d'irritation, nous éprouvons la sensation qui lui est propre, nous entendons des tintemens, des bourdonnemens, des sons. C'est par de tels phénomènes

que ses maladies se manifestent. C'est par-là que s'annonce la part qu'il prend souvent aux affections, même légères et passagères, du système nerveux.

De tout cela il résulte clairement que les influences extérieures ne font naître en nous aucun mode de sensation qui ne puisse avoir lieu aussi sans cause du dehors, et par l'effet de causes internes agissant sur le sens correspondant.

II. Une même cause interne produit des sensations différentes dans les divers sens, en raison de la nature propre à chacun d'eux.

L'accumulation du sang dans les vaisseaux capillaires des nerfs sensoriels, en cas de congestion et d'inflammation, est une cause interne qui agit sur tous de la même manière. Cependant elle détermine des phénomènes de clarté et de scintillation dans les nerfs optiques, quoique les yeux soient fermés, des bourdonnemens et des tintemens dans les nerfs acoustiques, de la douleur dans les nerfs sensitifs. De même, un narcotique mêlé avec le sang occasione, dans chaque nerf sensoriel, les troubles qui s'accordent avec sa nature spéciale, des flamboiemens dans le nerf optique, des bourdonnemens dans le nerf auditif, des fourmillemens dans les nerfs sensitifs.

III. Une même cause externe produit des sensations différentes dans les divers sens en raison de la nature propre à chacun

d'eux.

L'influence mécanique d'un coup, d'un choc, d'une pression, provoque, dans l'oeil, la sensation de la lumière et des couleurs. Personne n'ignore qu'en pressant l'œil, après l'avoir fermé, on détermine l'apparition d'un cercle de feu, et qu'à l'aide d'une pression moins forte, on provoque celle de couleurs, qu'on peut même transformer les unes dans les autres, phénomènes dont les jeunes gens s'amusent souvent lorsqu'ils s'éveillent avant le jour. L'espèce d'éclair qu'on aperçoit en se comprimant l'œil avec force dans l'obscurité, n'est qu'une pure sensation, et ne saurait illuminer les objets extérieurs.

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