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l'émulation dans ce genre, le premier de tous (1); en un mot, depuis que les productions des Artiftes ne peu vent plus contenir dans le vafte Salon deftiné à les expofer aux regards du public, ne feroit-il pas à défirer Monfieur, que l'Académie de Peinture fît, comme autrefois, une expofition tous les ans, plutôt que de fufpendre les Tableaux jufqu'à la voûte du Salon, où ils perdent, aux yeux des fpectateurs, tout le mérite des détails & une partie de leurs effets?

Il y auroit un moyen bien facile & très-efficace de fatisfaire à la fois les Artiftes, les Amateurs & le Public en général; ce feroit d'éclairer le Salon du Louvre, à l'Italienne, c'eftà-dire, par le haut; en mafquant les fenêtres de cette Salle immenfe, les

(1) Ce fut au Salon de 1777, que pa❤ parent les premiers Tableaux ordonnés par le Roi; & depuis cette époque, il y en a toujours eu une douzaine à chaque expofition.

quatre faces feroient alors également favorables pour les Tableaux, & l'on ne feroit point obligé de les redefcendre pour les expofer aux regards du Public, après le temps fixé pour la tenue du Salon.

la

Chez les Anglois, où les BeauxArts font encore au berceau Nation jouit, au moins, de la vue des productions des Arts, parce que l'expolition annuelle fe fait à Londres dans un Salon difpofé comme je viens de l'indiquer; il en eft un grand nombre à Paris, conftruit fur le même modèle, dont on a reconnu depuis long-temps tous les avantages.

En attendant que les vœux unanimes du Public & des Artiftes foient remplis à cet égard, je vais, Monfieur, vous faire part de mes Obfervations fur le Salon, avec l'impartialité dont j'ai toujours fait profeffion.

Depuis neuf années, M. Vien n'a pas laiffé paffer une feule expofition, fans offrir aux regards du Public, un fujet tiré de l'Iliade. Celui de cette année fait le cinquième, & repréfente les Adieu d'Hector & d'Andro

maque. Un jeune Héros qui s'arrache des bras d'une Epoufe chérie, qui embraffe fon fils en pleurant, & va combattre pour fa patrie, eft un des plus heureux choix que pouvoit faire Î'Artifte. Malheureusement le génie de M. Vien n'est rien moins qu'épique; on doute, en voyant ce Taoleau, fi M. Vien s'eft jamais donné la peine de méditer Homère; jamais dans ce même Tableau, on ne reconnoîtra le Vainqueur de Patrocle, le Rival d'Achille, la terreur & l'épouvante des Grecs ; rappellez-vous, Monfieur, ce paffage de Boileau:

Qu'Hector, fier, intrépide & volant aux combats,

Aux portes d'Ilion précipite ses pas, D'un cafque menaçant qu'il ombrage fa

têre,

Que devant lui tout tremble! Aftjanax l'arrête.

Qu'il y a loin de ce fuperbe Tableau à celui de M. Vien! Un mauvais plaifant difoit, au Salon on croiroit qu'Aftianax eft effrayé de voir fon père

:

auffi mal peint! Ce n'eft point en effet, le panache d'Hector qui doit caufer de la frayeur à l'enfant; il pourroit craindre tout-au-plus que fon père ne fût bleffé par le cafque, qui femble lui entrer dans la tête.

On ne peut refuser à M. Vien, un deffin correct, une fage ordonnance, une difpofition avantageufe des plans, des groupes, des draperies, une intelligence profonde du clair-obfcur, & même un ton de couleur aimable ; dans fes petits sujets de Sapho & de Glicère, on remarque de la grace, & l'on fe rappellera long-temps fon Tableau de Dédale attachant les ailes à Icare, qui eft expofé dans les Salles de l'Acadé mie & qui lui méritera toujours une place diftinguée parmi les Peintres de P'Ecole Françoife; mais on doit plaindre cet eftimable Artifte, de ne point vouloir fuivre le précepte d'Horace & de Boileau:

....Confultez long-temps votre esprit & vos forces.

Entre wille traits de magnanimité de clémence, de valeur, de grandeur

,

d'ame que pouvoit offrir l'Hiftoire d'Alexandre, je ne fçais pourquoi M. Lagrénée l'aîné, a été choisir un fujet auffi atroce? Un brave Capitaine. de Darius Bétis, Gouverneur de Gaza, ayant oppofé à Alexandrè, pendant le fiége de cette Ville, la plus vigoureuse refiftarce, le barbare. vainqueur, par un raffinement de cruauté, ordonna que Bétis fût attaché à fon char, avec des courroies paffées dans les jambes, & traîné ainfi autour de la Ville.

Si Bétis eut affez de courage pour ne laiffer échapper aucun foupir pendant fon fupplice, l'expreffion de la douleur ne devoit-elle pas au moins fe manifefter dans les traits, dans les mains de cet infortuné Satrape? C'eft ce qu'on n'apperçoit point dans le Tableau de M. Lagrénée; Bétis, affis, regarde Alexandre avec dédain, mais rien n'annonce la douleur. Je ne fçais encore comment il se peut faire que les fougueux chevaux attelés au char', femblent courir, & que le char reste immobile! on fçait enfin, qu'Alexandre étoit d'une petite ftature, mais il a ply

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