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Sa voix est agréable et d'une justesse parfaite; elle s'accompagne avec goût; la scène est pittoresque, le plaisir inattendu; en sorte que nous passons là une de ces demi-heures qu'on ne peut pas plus faire naître qu'on ne peut les oublier. Toutefois la chose déplaît à un gros barbichon de chien, qui grogne dans sa toison et s'obstine dans des accompagnements bilieux.

Cependant nous atteignons bientôt après le lac de Lungern, moins joli, mais plus célèbre depuis que les riverains ont entrepris de le vider. M. Henri, avec un guide, s'en va visiter la galerie d'écoulement, tandis que, de la route, nous considérons le pourtour du lac. L'ancienne rive est partout visible; c'est une longue ligne où s'arrête la vieille et robuste végétation; au-dessous ce sont des rocs ou des terrains à peine recouverts d'un duvet d'herbes tendres. Un petit lac, qui sera fort joli dans deux siècles, occupe le fond du vallon. Mais ce qui est curieux, c'est que depuis que les eaux ont cessé de contenir les terrains, plusieurs d'entre eux sont descendus avec arbres et maisons, et se trouvent actuellement dans l'ancien lit du lac, sans qu'au premier abord on sache bien comment ni pourquoi. Ces terrains voyageurs ont beaucoup perturbé la commune de Lungern, et jeté dans l'angoisse tous les municipaux. Que dirions-nous si, un beau jour, notre canton se déversait, hommes, bois et villas, sur les contrées voisines? Que diraient nos particuliers, ne trouvant plus à sa place leur maison de campagne? nos bandes noires allant repêcher leurs servette dans la perte du Rhône, et sans que personne encore les y invitât? Cela n'arrivera pas, mais ce qui pourra arriver avec le progrès, ce sera de vider aussi notre lac, et tout aussitôt les villes riveraines descendront la pente pour se rencontrer au fond: Lausanne et Genève, Morges et Thonon.

Nous donnons ici une vue du lac de Lungern dans son état actuel. C'était un des plus pittoresques de toute la Suisse; l'un des mieux encaissés; il a perdu de sa beauté, mais pas autant cependant que nous nous y étions attendus. Après avoir admiré suffisamment, nous gagnons la petite auberge de Lungern : maison de bois, escaliers rotatoires, hôtes empressés, un de ces logis qui nous conviennent tout particulièrement pour les motifs qui sont expliqués dans le préambule de cette relation.

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Nous ne connaissons pas de plus jolie vallée à parcourir que l'Underwald, pour peu que l'on fasse cas des beautés pittoresques, des impressions agrestes et de la douce solitude d'un pays de pâtres; de plus, les manières d'y entrer et celles d'en sortir sont également agréables. Nous sommes venus par eau; aujourd'hui nous voici acculés contre les paróis du Brunig, qu'il nous faut escalader absolument, si nous n'aimons mieux rebrousser vers Alpnach.

Le Brunig est une montagne peu élevée, où la végétation suisse se montre dans toute son élégante splendeur. Du côté de l'Underwald, on gravit un sentier presque tout taillé dans le roc; et à mesure qu'on s'élève, les lacs de Lungern et de Sarnen se montrent dans tout leur pourtour, encaissés entre des parois verdoyantes, d'un aspect à la fois gracieux et sévère. Au haut du sentier, il y a une petite chapelle dont le porche abrite un banc, où le voyageur s'assied pour regarder encore ce beau paysage dont la vue va lui être dérobée. Qui donc s'est assis sur ce banc et n'en a pas gardé la mémoire? Qui donc s'est reposé sur ces planches, sous ces hêtres, en face de cette poétique nature, et n'est pas charmé aujourd'hui encore par le seul ressouvenir de ces impressions si pures, si vives, si aimables?

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