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Ieu commande à l'ame après tant de fatigues

De ce combats foutenus dans le chemin,

d'aller au lieu de fon origine, où il la conduit avec tant de bonté par fon admirable providence; & de dreffer là un autel. Mais avant que la partie fuperieure de l'ame foit reçue en Dieu, it faut qu'elle foit parvenue à la pureté de fa création; & que même pour ce tems toute proprieté foit otée, & toutes fautes & toutes taches retranchées de la partie inferieure, reprefentée par la famille de Jacob.

4.2. Alors Jacob aiant assemblé tous ceux de fa maifon, leur dit: Jettez loin de vous les dieux étrangers qui font au milieu de vous: purifiez-vous & changez de vetemens.

Il faut que tout foit extremement net, & avoir changé de vetemens, & étre devenu tout autre par le renouvellement. Jacob ne fait rien pour luimême afin de fe preparer à un fi grand bien; car c'étoit l'ouvrage de Dieu feul qui l'avoit conduit par ce chemin, & qui le ramenoit à fon origine: mais il commande à la partie inferieure de Taifer tout ce qu'elle avoit d'étranger & de propre, afin que rien ne mette plus empechement à cette heureuse perte en Dieu.

Remarquons cependant, que dans une famille auffi fainte que celle de Jacob, il fe trouve encore des idoles; & peut-étre quelques uns de fes ferviteurs étoient-ils idolatres. Quel eft le lieu fi faint, quelle eft l'ame fi pure, où il ne fe mêle quelque impureté ?

4.3. Levez-vous, & montons à Bethel pour y dref

Jer un autel à Dieu, qui m'a exaucé au jour de

mon

mon affliction, & qui m'a accompagné pendant mon voiage.

7. Il y dreffa donc un autel, & nomma ce lieu là la Maifon de Dieu; parce que c'est là que Dieu lui aparut lors qu'il fuioit Esaa son frere.

Alors l'ame eft inftruite de la fidelité de Dieu, & elle connoit comme il l'a conduite. Alors elle eft delivrée des vraies afflictions & des peines d'efprit, & de toute inquietude, quoi qu'elle foit encore refervée à de bonnes croix; mais ce feront des croix qu'elle portera comme Jefus Chrift & avec lui, & qu'elle peut porter en toute affeurance.

C'eft le propre de cette ame de tout rendre à Dieu au même lieu & de la même maniere qu'il le lui a donné: alors fe fait le facrifice pur, qui eft reçu favorablement.

4.9. Dieu apparut à Jacob pour la feconde fois, 10. Et il lui dit: Jusqu'à prefent vous avez été apellé Jacob: mais à l'avenir votre nom sera Ifraël. 13. Dieu enfuite fe retira.

Dieu benit encore Jacob, & lui confirme fon nom nouveau. L'état eft donné à l'ame long tems devant qu'elle foit confirmée dans l'état. On a long tems les difpofitions paffageres; puis l'état eft donné mais la confirmation dans l'état eft une chose bien pofterieure, & d'une grace beaucoup plus eminente. La confirmation eft ici donnée à Jacob lors que Dieu lui repete fi pofitivement; Votre nom fera Ifraël.

Ce qui eft ajouté; que Dieu fe retira, ou difparut aux yeux de Jacob, fignifie comme Dieu après avoir rehauffé la capacité de la créature pour l'élever jusqu'à lui, s'abbaiffe auffi jufqu'à elle fans ceffer d'étre ce qu'il eft; mais ce n'eft

que

que pour la prendre, l'enlever, & la perdre en lui-même, difparoiffant d'autant plus aux yeux de l'efprit, que plus il le perd en lui.

y.16. Etant parti de ce lieu là, il vint au printems fur le chemin qui mene à Epbrata; où Rachel étant en travail,

18. Et fentant que la violence de la douleur la faifoit mourir, étant préte d'expirer, elle apella fon fils, Benoni; c'est-à-dire, le fils de ma douleur: & le pere le nomma Benjamin; c'est-à-dire, le fils de ma droite.

19. Ainfi mourut Rachel: & elle fut ensevelie dans le chemin qui conduit à Ephrata, apellée depuis Bethleem.

L'ame confirmée en Dieu eft entierement feparée de tous les fentimens naturels & fpirituels; s'il en refte pour peu que ce foit, Dieu les fait mourir, comme il fit Rachel. L'Ecriture ne dit point que Jacob la pleura: par ce qu'étant alors bien établi dans la volonté de Dieu, il ne pouvoit s'affliger de cette perte, qu'il voioit en Dieu même lui étre avantageufe. Car c'est une lumiere de cet état, qui fait voir que Dieu fait tout pour notre avantage, & que tout concourt à notre plus grand bien. Voilà donc cette ame privée de tout ce qu'elle avoit de cher en la nature: il ne lui reste plus que Dieu feul & la croix: mais la croix ne lui eft plus penible: elle en a trop connu le prix pour ne pas l'eftimer, & elle est trop forte en Dieu pour avoir peine à la porter. Il refte pourtant un amour fecret pour les productions de Rachel; parce qu'elles font douces & aimables, & que celles de la croix ont quelque chofe de plus fauvage. De plus, les fruits de douceur & d'union referment en eux mêmes leur

beau

beauté, & ils montrent au dehors tout ce qu'ils ont: mais les fruits de la croix font âpres dans l'abord; ils ne font doux & admirables que dans leurs fuites; car ils ne fe terminent à rien moins qu'à la production de Jefus Christ.

.6.

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ES4

Sau prit fes femmes, fes fils, fes filles,& toutes les perfonnes de fa maison, Son bien, fes beftiaux, & tout ce qu'il poffedoit en la terre de Canaan, s'en alla en un autre pais, fe retira de fon frere Jacob.

15, Les Enfans d'Efau, furent Princes-, le Prince Theman, le Prince Omar,

Q

Ui pourroit affez admirer comme Dieu conduit les chofes par la fageffe de fa providence? L'enfant de colere fe fepare luimême de l'elû de Dieu: la nation de la chair s'éloigne de la generation de l'efprit ; & la voie active fe diftingue de la contemplative. Efau s'en va en un autre pais, laiffant la nation choifie en paifible poffeffion de la region de repos.

Mais Efau fut d'abord grand fur la terre; l'on ne parloit que de lui. Pour Ifraël, il demeure petit aux yeux des hommes, & grand devant Dieu: il n'a que la croix, qui le fuivra jufqu'au tombeau, & par laquelle il triomphera en Jefus Christ.

CHAPITRE XXXVII.

Srail aimoit Jofeph plus que tous les autres

7.3. enfans; parce qu'il l'avoit en étant déja

vieux: il lui fit faire une robe de diverfes couleurs.

.4.

4.4. Ses freres voiant que leur pere l'aimoit plus que tous fes autres enfans, le haifoient, & ne lui pouvoient parler qu'avec aigreur.

L

'Hiftoire de Jofeph est une expreffion vive d'une ame predestinée; & les divers incidens qui en font raportez dans le texte facré, marquent admirablement les divers états par où une ame des plus choifies doit paffer pour arriver à la perfection qui lui eft deftinée. Dieu lui fait premierement paffer un état d'enfance fpirituelle, où elle ne reçoit que des douceurs & des çareffes: Il femble que Dieu ne fe foit apliqué qu'à l'orner & à l'embellir, & qu'il neglige les autres. Cela attire même la jaloufie des autres perfonnes, qui voient que toutes les faveurs font pour ́ celle-là. Mais, qu'elles lui feront cherement vendues!

4.9. Jofeph raconta ainfi à fes freres un autre songe qu'il avoit eu: Il me fembloit en dormant que je voiois le Soleil & la lune & onze étoiles qui m'adoroient.

Dieu même lui fait connoitre quelque chofe de fes élevations futures par des fonges & des vifions: & cette ame fimple & innocente le dit à fes freres fpirituels, mais qui font bien eloignez de la fimplicité: auffi attribuent-ils à l'orgueil & à la reverie ce qui vient du S. Efprit.

Y. 17. Jofeph alla après fes freres, &illes trouva à la campagne de Dothain.

18. Lors qu'ils l'aperçurent de loin, avant qu'il vint à eux, ils refolurent de le tuër.

19. Et ils fe difoient l'un à l'autre : Voici le fongeur, 20. Allons, tuons-le; & après cela l'on verra à quoi fes fonges lui auront servi.

Entre

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