Page images
PDF
EPUB

SCENE X.

LES PRÉCÉDENS, ALPHONSE, MARCO.

(Alphonse est en costume de cour.)

A MALDI, allant s'incliner devant Alphonse.. Seigneur...

ALPHONSE, le relevant et lui parlant avec bonté.

Amaldi, pourquoi ce ton cérémonieux ? d'où naît cette réserve, je dirais presque cet éloignement que vous marquez pour un frère qui vous aime? Gai, vif et sémillant avec tout le monde, vous ne m'abordez jamais qu'avec un air froidement respectueux, qui me blesse et m'afflige. Vous me connaissez mal, si vous pensez que le pouvoir'dont je suis dépositaire ait altéré ma tendresse. Ce n'est pas le duc de Ferrare, c'est toujours Alphonse qu'Amaldi trouvera près de moi, quand il voudra se livrer aux sentimens affectueux qui doivent constamment régner entre deux frères.

AMALD 1, toujours avec le ton de la soumission. Mon Prince...

ALPHONSE.

Encore une fois, je suis Alphonse, ton ami, ton frère. (Il l'embrasse, Amaldi s'y prête à regret.)

Dissimulez ?

GIANETTI, bas à Amuldi.

ALPHONSE à part.

[ocr errors]

Quelle froidenr!.. Cette femme m'aurait-elle dit la vérité? AMALDI, se remettant et affectant un gir de légéreté. Je venais savoir si nous partirons bientôt pour la chasse... Marcò m'a dit...

ALPHONSE.

Que ma présence est nécessaire au conseil: mais je ne veux pas que mon devoir soit un obstacle à vos plaisirs. Allez; nous nous retrouverons dans la vallée des Chênes, auprès des ruines du vieil aqueduc.

MARCO, à part. Quelle imprudente opiniâtreté!..

Il suffit, mon frère.

A MALDI.

(Huit pages arrivent; ils sont de taille différente. Quelques-uns paraissent agés de dix-huit à vingt ans.)

MARCO.

Seigneur, voici vos pages.

ALPHONSE, tendant la main à son frère.

Je vous quitte, Amaldi; nous nous reverrons bientôt.

AMALDI.

Mon cœur s'en réjouit. (Alphonse s'éloigne précédé de ses pages, Amaldi et Gianetti le regardent aller.)

MARCO, à part.

La joie brille déjà dans ses regards homicides... Va, traitre tu ne tiens pas encore ta victime. Allons trouver Verner. Il est temps d'agir.

(Il salue Amaldi et entre dans le bosquet du côté où l'on a indiqué la vieille chapelle, )

[blocks in formation]

Cet affectation de bonté me le rend toujours plus odieux. S'il fallait dissimuler plus long-temps, je n'en aurais pas la force.

GIANETTI.

Quelques heures encore et vous pourrez librement exhaler votre haine. Mais n'oubliez pas que jusques-là, et dans ce palais surtout, la prudence doit diriger toutes vos démarches,

AMALD O I.

A propos, tu ne m'a pas remis la clef dont je t'ai confié l'empreinte avant-hier. N'est-elle point faite encore?

[blocks in formation]

GIANETTI.

Oserais-je vous demander ce

AMALDI,

que c'est que cette clef ? sur le banc qui est à l'entrée du bos

Le conduit sur

quet, et lui fait signe de s'asseoir près de lui.

C'est celle d'une armoire qui renferme une émeraude gravée qui sert de cachet à Alphonse, et de laquelle il empreint tous les ordres qui émanent directement de lui.

GIANETTI.

Et quel usage voulez-vous faire de cet anneau ?

AMALDI. ⠀

Le voici. Quoiqu'il entrât dans notre plan de perdre Alphonse, cependant, malgré l'aversion qu'il m'inspire, je nes veux répandre son sang qu'à la dernière extrémité. Mais pour n'avoir point d'ennemis à combattre, j'ai imaginé d'é crire au nom du due, d'abord à la garde Allemande de rester dans son quartier; ensuite à ses amis, à ses serviteurs, enfin à tous ceux qui ne se sont pas déclarés pour nous, et qui pourraient traverser nos projets. L'Ange Tutélaire.

3

GIANETTI.

Bien !

AMALDI.

Cet ordre leur enjoint, pour des raisons d'un intérêt majeur, de ne point sortir d'ici à demain, et de ne s'immiscer en rien aux affaires publiques, quoiqu'il arrive. Quand ces lettres seront revêtues du cachet d'Alphonse, elles porteront un caractère d'authenticité auquel on ne pourra se refuser...

Très-bien!

GIANETT 1.

AMALDI.

Je les envoie par un émissaire au moment où le duc partira pour la chasse, et viendra se livrer sans défense aux mains de ses ennemis. Par conséquent nous n'avons pas la moindre opposition à redouter.

GIANETTI.

[ocr errors]

Et quel sort préparez-vous à ce cher Alphonse?

AMALDI.

Je le force à signer une proclamation par la quelle il'annoncera au peuple que de grands intérêts et un événement inatendu l'obligent à s'absenter de ses états, et qu'il me confie le gouvernement jusqu'à son retour. Content de cet acte d'obéissance, je lui laisse la vie et l'envoie sous bonne escorte dans un vieux château, situé sur les bords de l'Adriatique, et dont le commandant m'est dévoué.

GIANETTI,

Il faut être bien sûr de ceux' que vous choisirez pour le conduire à sa destination; c'est une commission difficile qui demande de l'adresse et du courage.

[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors]

Je n'ai jetté les yeux sur personne encore, n'as-tu pas sur toi la liste de nos amis?

[blocks in formation]

Voyons, que je la consulte. ( Gianetti lui donne un papier.) Toi, d'abord... puis... Bianco... Vivaldi... Pietro...

GIANETT L..

C'est plus qu'il n'en faut. Nous vous en répondons.

AMALDI.

Je vous recommande d'avance les égards... ( Il lui rend la liste.)

GIANETTI.

Sans doute... Si cependant il tentait de s'évader?

Alors...

AMALDI.

[blocks in formation]

LES PRÉCÉDENS, VERNER, déguisé en mendiant. (Il doit être défiguré par une barbe et un nez postiches, son costume est misérable, son aspect hideux.)

VERNER, séparant les branches qui sont derrière le banc et plaçant sa tête entre celle d'Amaldi et de Gianetti. Bravo, camarade!...

Qu'est-ce?

AMALDI, se levant avec effroi.

GIANETTI.

Nous sommes trahis! (Il remet la liste dans sa ceinture.) VERNER, sans se déranger.

C'est dommage!

AMALDI.

Que faisais-tu-là ?

VERNER.

J'écoutais.

A MALDI.

Et tu as...

VERNER.

Tout entendu. (1l quitte sa place et vient entre eux deux.) Mon intention n'était pas de me montrer; mais je n'ai pu résister au mouvement d'admiration que vous m'avez inspiré, et je me suis trahi.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Le désir de voir de près deux grands coquins, et j'avoue que vous avez surpassé mon attente.

Misérable!

GIANETTI.

AMALDI.

Et nous sommes sans armes !... Holà... ( Allant vers le fond.)

VERNER, l'interrompant d'une voix menaçante quoiqu'étouffée.

Paix!...

info

GIANETTI, imitant le mouvement d'Amaldi.

Soldats...

Verner se jette au-devant d'eux, tire des pistolets de son sein et en menace Amaldi et Gianetti qui sont à sa droite et à sa gauche.)

VERNE R.

Paix, vous dis-je; ou, foi de bandit, je vise au noir en vous perçant le cœur.

[blocks in formation]

VERNER, se tournant vers Amaldi.

Toi!... tu es parmi les hommes ce qu'est le tigre parmi les animaux. La nature t'a produit dans un moment de colère, pour être le fléau de l'humanité.

A MALDI.

Je suis hors de moi! Gianetti, cours...

VERNER.

Gianetti, je te défends de bouger. Croyez-vous d'ailleurs que le duc ne me pardonnerait pas lorsque je lui découvrirais votre scélératesse? Je ne voudrais d'autre avocat que ce papier.. (It enlève adroitement la liste que porte Gianeit. que je prends pour mon instruction.

[ocr errors]

AMALDI, fatsent un mouvement pour s'élancer sur lui. C'en est trop... rends-nous ce papier...

VERNER, met la liste dans sa bouche, recule et fait mine de prendre ses pistolets.

Encore!... vous voulez donc me forcer à vous tuer?... Ce serait dommage; vous n'êtes pas faits pour mourir obscuré-` ment... vous devez finir vos jours d'une manière éclatante et sur un plus grand théâtre...

A MALDI, à part.

Dissimulons. Nous ne sommes pas en force. ( Haut. Y Pour la dernière fois, que demandes-tu? une aumône; voilà na bourse.

VERNER.

Garde ton or pour une bonne action, ce sera la première de ta vie.

Que viens-tu faire ici?

AMALDI.

VERNER.

[ocr errors]

J'y viens comme ton ami, pour éclairer ton cœur он somme brigand, pour t'offrir mes services; choisis.

AMALDI.

Te n'ai besoin ni de tes conseils, ni de ton bras.

VERNER.

Tant pis pour toi, car tous deux te seraient fort utiles.

« PreviousContinue »