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Ainsi l'on voit que les âges où les âges où le goître a commencé le plus fréquemment à se manifester sont précisément ceux qui correspondent à la première et à la seconde dentition, époques de la vie où, comme je l'ai déjà fait observer, les congestions actives du sang à la tête sont le plus marquées, surtout chez les individus lymphatiques et faibles. 1

Ce document nous fournit en outre la preuve de l'influence considérable qu'exerce la prédisposition héréditaire sur la production du goître dans la première enfance. Dans ce cas, l'organe, siége du goître, étant lui-même prédisposé matériellement dès la naissance, on conçoit que les congestions sanguines ne jouent qu'un rôle secondaire, et cependant, même à cet âge peu avancé, l'influence des agents extérieurs se fait aussi apercevoir; c'est ce qui explique la proportion énorme des goîtreux en bas âge dans le cercle des endémies, et fait sentir la nécessité de combattre dès les premiers temps de la vie l'influence des causes endémiques.

Quant aux causes prédisposantes endémiques, la première et la plus influente d'entre elles sous le rapport de la tendance lymphatique, est l'humidité soit du terrain, soit de l'atmosphère. Tous les pays du globe où règne le goître endémique sont plus ou moins humides. C'est une loi qui ne souffre pas d'exceptions.

1 A cette occasion plusieurs médecins du Valais m'ont dit avoir également observé que, chez les femmes de 40 à 50 ans, vers l'époque de la cessation des menstrues, le goître tendait souvent à se manifester ou à prendre de l'accroissement. Or personne n'ignore qu'alors les congestions à la tête sont trèsfréquentes.

La qualité physique du terrain superficiel, plus encore que la composition géologique ou chimique du sous-sol, dont elle est souvent indépendante, influe d'une manière spéciale sur cette condition. Plus le terrain est perméable et poreux, moins il permet à l'humidité de séjourner au niveau du sol; plus en revanche il est compact et dense, plus il empêche l'eau de s'écouler vers le bas. Aussi voit-on le goître endémique disparaître dans les terrains rocailleux et calcaires, facilement perméables et peu hygrométriques; c'est, par exemple le cas de la vallée des Bauges, quoiqu'il se manifeste dans d'autres terrains également calcaires mais plus compacts et où se trouvent des dépôts argileux non perméables. Mais il se développe le plus fréquemment dans les terrains. schisteux et tufeux, dans les formations de molasse, sur les terrains d'alluvion, où se trouvent presque constamment des couches d'une terre argileuse compacte formée par les détritus de roches ardésiennes qui, non-seulement conserve longtemps l'humidité, mais qui nétant pas perméable, maintient l'eau à la surface du sol et alimente de nombreuses sources. C'est aussi dans ces localités que le tempérament lymphatique acquiert le plus de développement et prédispose à des maladies scrofuleuses ou au relachement des tissus. Plus la couche argileuse est près de la surface du sol, plus ses effets sont évidents, quelle que soit la hauteur du terrain où elle est placée. Ainsi p. ex. la ville de Carouge, batie en plaine, auprès de Genève, presque à niveau de l'Arve, sur une couche épaisse de gravier facilement perméable, est beaucoup moins humide et plus saine que le sommet des co

teaux voisins de Pinchat et de Champel, quoique mieux aérés, mais où la terre glaise affleure la surface du sol. Et ce qu'il ne faut pas perdre de vue, surtout dans les terrains d'alluvion, où les couches alternatives de glaise, de sable ou de cailloux sont très-irrégulières, c'est que les effets produits sont variables même à une très-petite distance, et qu'à quelques toises d'un terrain glaiseux très-humide, on rencontre souvent, à une assez grande profondeur, un sol graveleux et

et très-sec.

La disposition du terrain modifie les effets de l'humidité, en permettant à l'eau de s'écouler facilement ou en l'accumulant sur certains points. Ainsi, les terrains en pente restant en général moins humides que les bas fonds, ou que certaines plaines et que certains plateaux, on remarque une immense différence entre l'état sanitaire des sommets escarpés ou des croupes de montagne, et du fond des vallées, malgré leur degré d'élévation au-dessus de la mer. C'est en particulier ce qu'on observe pour l'endémicité du goître dans quelques parties de nos Alpes. Toutefois, les habitations en partie enfoncées dans un terrain argileux, même en pente, ou sur la déclivité d'un banc de molasse, sont d'autant moins à l'abri de l'humidité passagère, qu'elles arrêtent sur place l'écoulement des eaux, qu'elles ne sont pas planchéiées et que le rez de chaussée est seul habité. Elles prédisposent par conséquent d'autant plus au goître qu'elles ne sont pas isolées du terrain. Fodéré en a cité des exemples dans la Maurienne et le fait se reproduit ailleurs de la même manière.

D'autrefois les habitations, construites au fond des ravins,

ou près du débouché des torrents dans les vallées, quelque perméable que soit la qualité du terrain, ne sont pas à l'abri de l'humidité du sol, parce que l'emplacement qu'elles occupent est constamment humecté par les eaux supérieures. Le village de Thuet, près de Bonneville, quoique bâti sur un terrain légèrement en pente, formé de débris calcaires trèsperméables, déposés par le torrent de Bronze, est très-humide et très-goîtreux, parce que le débouché de ce torrent, ainsi que d'autres ruisseaux qui sourdent du Mont Brezon, sont à un niveau plus élevé que les maisons du village.

L'humidité de l'atmosphère, conséquence soit de l'humidité du terrain, soit du défaut d'évaporation et du renouvellement de l'air, ajoute puissamment à la prédisposition débilitante qui entraîne souvent une véritable diathèse lymphatique. Aussi voit-on les localités qui présentent cette condition être particulièrement atteintes du goître endémique. Ce fait déjà signalé par De Saussure et sur lequel Fodéré avait attiré spécialement l'attention des gens de l'art, a été confirmé dès lors par l'expérience de toutes les localités, de manière à ne laisser aucun doute. L'encaissement profond des vallées; leur direction particulière qui empêche l'arrivée des vents secs ou favorise celle des vents humides; la hauteur des montagnes qui s'oppose à l'action évaporante du soleil; les rideaux épais d'arbres qui recouvrent les terrains et même les habitations; les haies et les treilles qui les cernent; les ruisseaux qui serpentent à la surface des prairies, toutes ces causes accessoires et d'autres entièrement locales qui agissent

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dans le même sens, entretiennent cet excès d'humidité atmosphérique, si nuisible à la santé, surtout auprès des hautes chaînes de montagnes, des Alpes, des Pyrénées, de l'Hymalaia, des Cordilières, etc. etc.

La chute de pluies plus ou moins abondantes en été, dans certains pays, sur certains revers de montagne, dans certaines localités bornées, augmente d'une manière notable l'humidité atmosphérique. C'est ce qui a lieu en particulier dans la chaîne de montagnes qui longe au sud la vallée de l'Arve, de Cluses à la Roche, et c'est à ses pieds que l'on trouve le plus de goîtreux.

Enfin l'humidité atmosphérique manifeste même souvent ses effets, dans l'intérieur des habitations, par des vices de construction, par des infiltrations d'égouts, par la tendance hygrométrique des matériaux qui composent les fondations, etc., etc. J'ai eu connaissance de goîtres qui ne pouvaient être attribués, en grande partie, qu'à cette cause prédisposante. Le cas cité par le Dr Stecker, de Berlin, à la section de médecine du congrès de Lyon, en 1841, rentre également dans cette catégorie. Il s'agissait d'une garnison prussienne, casernée sur un roc fort élevé, en Silésie, qui fut attaquée tout entière de goître, et n'en fut délivrée que par un changement d'habitation.

Parmi les causes secondaires qui prédisposent jusqu'à un certain point au goître, nous devons mentionner l'absence d'insolation dans certaines localités pendant une partie de l'année, causée en hiver par le voisinage immédiat, au sud, de très hautes montagnes, en été, par l'ombre épaisse qu'entretiennent

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