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Les listes données par Gilliéron montrent que les substantifs et les participes en -atum, les substantifs en -atam et -atem ont été divisés en deux grands groupes dans le patois de Vionnaz, de manière que, sans égard au genre1, ont reçu la désinence vá ceux où il y avait influence palatale et la désinence à ceux où elle manquait. Ainsi commeatum, mercatum sont devenus kôdyá, martyà, tandis que, au delà du Rhône, ils sont encore kôdzi, martsí.

Si on se représente bien que manducatum, manducatam, commeatum donnent :

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aux Ormonts et dans la vallée vaudoise du Rhône;

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à Vionnaz, on ne pourra guère douter que la forme en -á, conforme aux lois phonétiques pour les participes et les substantifs féminins, s'est étendue peu à peu aux participes et aux substantifs masculins, qui ne peuvent pas l'avoir développée phonétiquement.

Berne, avril 1887.

H. MORF.

1. On dit la věrětó̟; mais quel est le genre de gètyá et de pipó̟?

REMARQUE. La rédaction de la Romania a bien voulu in'envoyer, avec l'épreuve des précédentes pages, celle du savant article de M. Philipon qui traite si ingénieusement de l'a accentué infecté de yod dans les dialectes « de la partie occidentale du domaine franco-provençal ». Les faits linguistiques qui servent de base à ces deux articles sont, comme on voit, assez différents pour permettre des explications différentes.

J'ajoute (a) quelques indications sommaires de flexion et (3) une série de mots tirés tous de mon relevé fait à Grolley, pour rendre plus facile le jugement du lecteur.

a.

2.) Le pluriel des substantifs, adjectifs et participes féminins en ă (a), è est en ě, (e)

la fáyă - le fáyě

l'anȧyě - lez anȧyě

la šéra lę ręstȧyě - le sérě sò ręstȧyě

la gordžá- le gordžé

le puýmě so mądzé

le vatse so vadyé

Les autres substantifs, adjectifs et participes sont régulièrement invariables:

lu, le martsi.

la, le zartá.

mydzi, aruvá = mangė(s), arrivé(s)

Le présent de l'indicatif de mądzi et de tsätá est :

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L'accent tonique dans ces patois est souvent assez indécis; ce point sera traité dans une étude que je prépare avec quelquesuns de mes élèves. Ici j'ai mis partout l'accent étymologique, quoiqu'on entende souvent midzi, mądzē, mýdzidě, etc.

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2.) Les noms de lieu du type iacum sont en i: Marly, Lentigny, Montagny, etc.

3.) Part. pass. de la première conjugaison en í (masc.), yá (fém.).

a.) avec changement du radical :

aprutsi, -tšá, approché.

kūtsí, -tšá, couché.

tsertsí, -tså, cherché.

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veyi, veyá, veillé.

çedyí, fedya, aidé.

kamezi, kamerá, commencé.

4.) Part. pass. des autres conjugaisons en -yá (fém.).

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půná, půñá à côté de punáte, puni.

Berne, août 1887.

H. MORF.

EILHART D'OBERG ET SA

FRANÇAISE

I.

L'ŒUVRE D'EILHART.

SOURCE

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, non loin de la cour des Guelfes, où le curé Conrad avait traduit la chanson de Roland, un chevalier du Brunswick, un vassal du duc Henri le Lion, monseigneur Eilhart d'Oberg a composé le plus ancien poème allemand relatif aux amours de Tristan et d'Iseut. Eilhart est un des premiers en date, sinon l'un des plus marquants, parmi ces habiles imitateurs des Français, qui ont doté l'Allemagne de sa brillante poésie chevaleresque. L'auteur inconnu du Flore de Trèves et Henri de Veldeke sont ses contemporains; tous trois ils ont leur patrie dans les contrées du nordouest, les plus voisines de la France, et écrivent des dialectes plus ou moins différents du haut allemand usité à l'époque classique. On admet généralement que le Tristan est un peu antérieur au grand succès de l'Enéide. Les rimes inexactes, les simples assonances, que l'influence de Veldeke a bannies de la versification allemande, abondent chez Eilhart. Son ouvrage n'a pas échappé au sort commun de ceux des anciens poèmes qui restèrent en vogue, en dépit des perfectionnements apportés à la technique poétique par Veldeke et ses disciples. Il a été rajeuni, comme le Roland, comme le Reinhart Fuchs; il a été remanié à plusieurs reprises, amplifié et interpolé, de sorte qu'il est aujourd'hui fort difficile de se faire une idée exacte de l'original.

L'éditeur, M. Lichtenstein 1, a revendiqué en faveur d'Eilhart quelques-uns des mérites attribués à Veldeke par ses contemporains et la postérité. Selon lui, l'auteur du Tristan partage avec celui de l'Énéide l'honneur d'avoir créé le style de l'épopée courtoise. Veldeke et Gottfried de Strasbourg semblent même avoir imité à plus d'une reprise leur prédécesseur. Mais de nouvelles recherches ont fait voir que les passages sur lesquels se fondait principalement cette opinion n'appartiennent sans doute pas à l'oeuvre primitive d'Eilhart. Les plaintes amoureuses de Lavine, traduites de Benoit de Sainte-More, ont visiblement servi de modèle pour les parties les plus subtiles du grand monologue d'Iseut. La plupart des mots d'origine française, les expressions du langage courtois, les vers qui ressemblent à ceux du minnesang classique proviennent d'interpolateurs du XIIIe siècle, qui ont voulu remettre à la mode du jour, non seulement les rimes, mais le ton général du vieux poème. Les remaniements n'en ont cependant pas effacé le caractère tout épique et populaire; ils n'ont guère altéré la sincérité naïve et charmante du récit ni le tour vif et énergique du style, qui rappelle la manière des. jongleurs. Les travaux de M. Knieschek viennent accuser davantage ces traits, si bien mis en lumière par M. Lichtenstein.

Si la brièveté d'Eilhard n'est pas exempte de sècheresse, l'habileté admirable avec laquelle il manie le dialogue égale celle de Chrétien de Troyes et des meilleurs poètes français. La prédilection qu'il montre pour les grands coups d'épée, l'ombre où il laisse les parties plus douces, plus poétiques de la légende, le souffle guerrier qui anime son œuvre, tout cela lui vient peutêtre de sa source étrangère. Mais Eilhart n'est point un simple traducteur. Plus familier avec l'épopée nationale qu'avec la

1. Eilhart von Oberge, hrsg. von Franz Lichtenstein. Strasbourg, 1877 (Quellen und Forschungen zur Sprach- und Culturgeschichte der germanischen Völker, XIX).

2. J. Knieschek, der Czechische Tristram und Eilhart von Oberge. Wien, 1882. Aus dem Jahrgange 1882 der Sitzungsberichte der phil.-hist. Classe der Kais. Akademie der Wissenschaften (CI. Bd., 1. Heft, S. 319) besonders abgedrückt. M. Lichtenstein a combattu une partie des conclusions de M. Knieschek dans l'Anzeiger für Deutsches Alterthum, X, p. 1 ss.

Romania. XVI.

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