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Sommé de rendre le chevalier de Beaujeu, réfugié à son bord, il répondit à l'envoyé du Sultan :

Le premier qui visitera mes bâtiments sera pendu à la grande vergue de mon vaisseau amiral, fùt-il le capitan-pacha lui-même !

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Si l'escadre turque et l'artillerie des forts s'opposent à ma sortie du port, je me livrerai passage de force, nous partirons avec tout notre monde ou nous ferons sauter nos vaisseaux, vous brûlerez avec nous!

Le comte d'Apremont mit à la voile le 13 mars 1671; la flotte turque n'osa l'inquiéter et il rentra triomphalement dans le port de Toulon, ramenant avec l'ambassadeur de France, le chevalier de Beaujeu.

Le chevalier mourut à Malte, en 1689, à peine âgé de 63 ans, après avoir accompli de nouveaux exploits contre les infidèles.

Si la puissance Musulmane ne tient plus en échec les monarchies européennes, elle excite de nos jours les compétitions et divise les politiques; sa faiblesse au XIXe siècle, comme sa stupide arrogance au xviie met encore en péril le repos du monde.

En sortant des humides cachots du château des Sept-Tours, permettez-moi de vous retenir encore quelques minutes en prison, nous y serons en aimable compagnie; M. le colonel FABRE DE NAVACELLE, notre président de l'année dernière, nous fera visiter les maisons cellulaires à propos d'un compte-rendu par lui présenté sur une des questions qui intéressent grandement l'efficacité de la répression pénale, nous voulons parler de la rétrocession des prisons départementales à l'État.

Chargé par la Société générale des Prisons de préparer, en 1881, un rapport destiné aux conseils généraux de France dans le but de vulgariser la possibilité de cette utile réforme, je devais à mes confrères de la Société des Études historiques, avant tous autres, l'hommage de mon travail.

Sous la plume de M. FABRE, l'analyse de cette étude apparaît dans des termes tellement clairs et si lumineux que les personnes les moins familiarisées avec ces utiles problèmes, se trouvent renseignées et comprennent que les finances départementales ne sont pas assez prospères pour permettre la réalisation d'une réforme dont les trop lourdes charges doivent incomber à l'Etat.

Si la navigation de la Méditerranée était mal assurée, au temps du chevalier de Beaujeu, le séjour de la Provence n'était pas plus aimable au XVIe siècle.

M. CAMOIN DE VENCE nous a raconté des épisodes de la Ligue et nous a fait assister aux horreurs déchaînées par le fanatisme sur les imprudents et malheureux Vaudois.

En même temps qu'ils embrassaient la réforme, les Vaudois reven diquaient certaines franchises locales, prétention qui les constituait à l'état de révolte contre l'autorité royale.

Un magistrat, le président d'Oppède, joua dans la répression des troubles un rôle que la plupart des historiens ont jugé sans impartialité. D'Oppède fut accusé, pendant trop longtemps, d'avoir dans un intérêt personnel, pour satisfaire sa cupidité, poursuivi la spoliation et le massacre des habitants de Cabrières et de Mérindol, voulant disait-on, réunir leurs biens à ses propres domaines.

L'ordre d'exécuter des mesures de rigueur émanait de François Ier; son successeur Henri II mit d'Oppède en accusation pour avoir trop fidèlement obéi.

M. CAMOIN DE VENCE, ancien magistrat du ministère public, pour lequel la procédure et les débats criminels n'ont pas de secrets, nous a démontré par l'étude de l'accusation et de la défense, que le président d'Oppède, loin d'outre-passer les ordres rigoureux de son souverain et les arrêts réguliers du Parlement de Provence, les avait tempérés dans l'exécution par des mesures plus humaines.

L'issue du procès fut favorable au président d'Oppède. Rétabli dans sa charge, ce magistrat revint à Aix porteur de lettres de rémission du Roi et du garde des sceaux, Jean Bertrand.

Cette cause célèbre politique précédée d'une détention de près de deux années, avait été plaidée pendant cinquante audiences. Si la vérité historique s'était trouvée submergée sous le torrent de paroles qui déborda sur le Parlement de Paris, une circonstance contribua, plus encore que toute autre cause, à tromper l'opinion de la postérité. Le réquisitoire de Daubery, l'accusateur du président d'Oppède, présentant ce magistrat sous les couleurs les plus odieuses, fut longtemps publié seul sans les défenses et plaidoiries prononcées en faveur du président.

Mieux connues aujourd'hui, appréciées par M. CAMOIN de Vence, elles permettent de rétablir la vérité sur d'Oppède.

L'histoire déplore les excès de la révolte et la cruauté de la répression, mais elle les reproche aux auteurs vraiment responsables, le Roi et le Parlement de Provence.

Nos annales contemporaines ne rappelleront-elles pas aussi que la civilisation dont nous sommes si fiers au XIXe siècle, connut des troubles, des massacres, des incendies, des ruines, sévèrement réprimés, châtiés par de sanglantes représailles; et nos arrière-neveux plus heureux que nous, éclairés par les leçons du passé, de ce passé qui, selon le mot de l'historien Mably, est un avertissement de l'avenir, connaitront-ils le grand bienfait de la mesure dans la revendication et de la modération dans le gouvernement?

M. CAMOIN DE VENCE conserve pour son ancienne famille judiciaire des préférences manifestées dans une autre étude: Deux magistrats de la fin du XVIIIe siècle: SÉGUIER et DUPATY, grands et curieux caractères que la cause célèbre des trois roués mit aux prises. Dupaty soutenait l'innocence des accusés et attaquait les vices de la procédure criminelle. Séguier défendait la majesté du passé contre l'audace des novateurs; lutte mémorable, résumée en ces termes par M. CAMOIN DE VENCE: « Jugeant de loin aujourd'hui les passions qui ont si vivement troublé les esprits à la fin du XVIIIe siècle, nous pouvons proclamer que Séguier et Dupaty, les deux champions de ce grand tournoi parlementaire, ont, à des titres différents, l'un par sa verve énergique et ardente de réformateur, l'autre par sa fermeté digne et austère de magistrat, mérité l'admiration publique et qu'ils sont dignes de figurer à jamais dans les annales de l'éloquence française.

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La science pure, avec son sérieux, ses austères et instructives recherches, nous fait oublier les tristesses des persécutions, les ardeurs des luttes politiques et judiciaires.

Une monographie de notre confrère M. Jacques FLACH, professeur suppléant du cours de M. LABOULAYE, au collège de France, retraçant les dispositions législatives de la Table de bronze d'Aljustrel, explique les règlements destinés, au commencement du premier siècle de notre ère, à déterminer le mode d'exploitation des richesses minières. Le savant travail de notre confrère, honoré d'une favorable appréciation

de l'Institut, se distingue par une sagacité particulière apportée dans la restitution et l'interprétation des fragments restés obscurs de la table de bronze d'Aljustrel. Notre Société, à son tour, par l'organe d'un collaborateur depuis longtemps apprécié, M. LOUIS-LUCAS, est venue apporter son témoignage à M. FLACH, et le féliciter d'avoir si complètement révélé les détails instructifs de l'organisation rudimentaire des corporations ouvrières travaillant péniblement sous le contrôle oppressif de la centralisation romaine.

Elles sont livrées à l'excès contraire, absence d'unité et de puissante direction vers un but déterminé, ces populations Slaves que notre président, M. BOUGEAULT, nous a fait connaître par leurs mœurs, leur littérature, leurs aptitudes physiques et politiques. Entourées de peuples d'origine allemande, elles sont loin de former un tout homogène, elles ne parlent pas la même langue, ne pratiquent pas la même religion. Si les espérances de la race Slave se tournent vers la Russie, M. BOUGEAULT nous montre, par l'étude approfondie des tendances et des particularités de ces nationalités diverses, que de bien graves événements seraient nécessaires pour conduire le rêve panslaviste à la réalité.

L'étude de notre président, familiarisé par un long séjour en Russie avec les conditions intimes de ce problème contenant dans ses formules de redoutables complications, offre des renseignements d'histoire contemporaine que les politiques et les diplomates peuvent consulter avec profit.

Elle n'est pas moins instructive cette étude du même auteur, M. BOUGEAULT, intitulée Artus III, comte de Richemond, duc de Bretagne, connétable de France.

Le règne de Charles VII! quel temps! Depuis les recherches de M. VALLET DE VIRIVILLE qui communiqua ses premiers essais à notre Société, il y a déjà près de 45 ans, cette époque a été fouillée, interrogée, jugée Jeanne d'Arc, Alain Chartier, Jacques Coeur, Agnès Sorel ont sollicité tour à tour nombre d'historiens, et après eux, un grand érudit, M. DE BEAUCOURT publie la plus étendue et la plus complète des histoires de Charles VII.

M. BOUGEAULT, en consacrant un chapitre au connétable de Richemond dont la puissante personnalité apparaît sur la scène politique

quatre années après la signature du désastreux traité de Troyes, livrant la France à l'Angleterre, M. BOUGEAULT nous signale, dans tous leurs détails, les intrigues et compétitions qui divisaient la cour du roi de Bourges et signale l'importance des services rendus par le Connétable.

La suite naturelle du récit a placé sous la plume de M. BOUGEAULT, l'examen de ce problème historique : « Agnès Sorel exerça-t-elle réellement sur l'esprit de Charles VII l'influence heureuse que la chronique lui attribue ? »

M. BOUGEAULT, s'appuyant sur les témoignages les plus autorisés et se livrant à la comparaison des dates, répond négativement; la faveur dont Agnès Sorel jouit à la Cour s'exerça non pas de 1429 à 1433, période décisive pour les destinées de la France, mais seulement à dater de 1443.

Nous ne cessons pas encore de nous intéresser à la nationalité française en arrêtant notre attention sur l'étude de M. Camille MEUNIER: La Gaule et la France, suite de son mémoire communiqué l'année dernière.

Subissant au xve siècle le rétablissement du bon plaisir, la liberté, dit M. MEUNIER, un instant relevée s'étendit définitivement dans la tombe et la Gaule avec elle.

Cette conclusion proposée par notre savant collègue ne manquera pas de soulever des controverses. Sans doute, le développement du pouvoir absolu retarda l'heure de l'avènement des classes moyennes ; mais celles qui avaient manifesté leur vitalité à six reprises différentes. dans la tenue des États généraux de 1308 à 1420 cessèrent-elles d'exister? Ne les apercevons-nous pas, de temps à autre, dans les siècles suivants, avec les qualités et les défauts déjà précisés par César, à l'époque de la conquête de la Gaule. L'imagination vive, le courage prompt à entreprendre, non moins prompt à se laisser abattre, puis à se relever, la conception enthousiaste, généreuse, l'exécution rapide, mais manquant de tenacité, la funeste propension aux divisions, l'amour immodéré des luttes de la parole, tout cela tempéré et rehaussé par une confiance intrépide dans le génie de la nation. Le caractère gaulois ! N'est-ce pas à lui que nous avons dù, après des revers écrasants de ne pas mourir de désespoir et de retrouver sous

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