Or: les lettres de mon pèreJe n’ai jamais recu de lettres de mon pere, ni de son vivant, ni de sa mort, pendant quarante ans pas une lettre pensai-je a peine et doucement, sans remuer les levres de crainte de chasser par un fremissement le passe encore posé sur le coin de la table, les ailes a demi fermees encore pour quelques instants. Quelque chose de doux et de silencieux va s’en aller et ne jamais revenir. Et voici devant moi entassees par centaines ses apparitions, je les vois respirer, sous la poudre de poussiere des centaines de levres, et elles vont s’ouvrir, un geste de moi, elles vont laisser echapper la voix de mon pere le vrai, celle dont je n’avais jamais vu les traits, le pas est vif, la courbe nette. Quarante ans dans le desert sous un sable elles demeurent sans existence, imperissables gisantes sans protester, dans une obeissance enfantine aux ordres du silence. Tues vives. Et maintenant modestes puissantes nombreuses elles attendent entassees dans le carton marque BebeConfort un geste de ma part, les recueillerai-je, les accueillerai-je, les lettres de mon peee. OR les lettres de mon pere. Du pur evenement : de l’arrivage. Par un coup impredictible de la destination, les lettres d’Oran ecrites par Georges Cixous, en 1935, en 1936, a Eve Klein, la fiancee allemande, arrivent, cinquante ans apres la mort du signataire, a la narratrice qui est la fille. Fille, en 1995, d’une mere de quatre-vingt six ans et d’un pere, jeune homme disparu, dont elle n’a jamais fini de faire son deuil. Toutes les lettres du pere, ecrites quotidiennement, arrivent une seconde fois, toutes ensemble - cinq cents - rangees dans une boite en carton : minuscule cercueil d’une existence couchée sur les pages. L’etre ecrit. |
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